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29.9.12

Auguste, le premier empereur romain

Contrairement à l'homme qui lui vaudra d'être important et célèbre, la famille du petit Caius Octavius, né le 23 septembre 63 avant Jésus-Christ, est plutôt bas de gamme. Son arrière grand-père, son grand-père et son père ont été serviteurs de l'Empire (Papi Octave a même été questeur, donc il a fait partie de la classe sénatoriale), mais toute la famille Octave est de rang équestre. Les Chevaliers, à Rome, c'est un peu comme les bourgeois sous l'Ancien Régime : métiers moyens, richesse moyenne, mais ils aspirent à faire de la politique. Son père sert la cité en Macédoine (Grèce du Nord), mais meurt lorsque son fils a 4 ans, en 59 avant JC-le-religieux.
Coup de chance, Papa Octave avait épousé Atia Balba, la fameuse Atia des Julii dans l'excellente série Rome, qui était vachement plus vertueuse dans la réalité et qui a à peine survécu à son oncle, alors qu'à la télé elle survit au moins jusqu'au triomphe de son fils en -31. Mais ne brûlons pas les étapes.
Tu peux cliquer pour voir l'image en taille réelle. Désolé si c'est un peu petit.

Disons que César, malgré sa réputation et ses trois mariages, n'a à la fin de la Guerre des Gaules qu'un seul enfant, Julie, qui vient juste de mourir en mettant fin à l'alliance de son père avec son mari, Pompée. Ouais, grosse ambiance dans la famille, le beau-père et le gendre c'est les deux meneurs de la guerre civile. Mais pas dans l'même camp.
Du coup, pour compenser, en bon Romain, César tape dans le mâle le plus proche, son petit-neveu Octave. Brutus, c'est le fils de sa maîtresse, mais ils partagent pas de sang. Enfin jusqu'à un certain attentat... ok lol c'était pas drôle. Puis c'est César qu'on tape, à plusieurs reprises et à coups de poignards, aux ides de mars -44.
Parce que César était dictateur à vie élu par le Sénat (même si c'est lui qu'avait placé la majorité des sénateurs), il n'y a pas de débat comme dans Rome, on accepte son héritage et son testament sans discuter. L'ennui c'est que le testament en question fait d'Octave son fils adoptif. Et à Rome on rigole pas avec l'adoption : Gaius Octavius devient Caius Julius Caesar Octavianus, dit Octavien.

M. Tullius Cicero
(106-43 av. JC.),
auteur, philosophe et
homme d'état romain.
Manque de pot, l'arrivée de ce jeune freluquet dans le monde âpre de la politique déplaît à un certain Marc-Antoine, général et bras droit de JC-le-militaire, qui espérait récolter les fruits du travail de son chef adoré et qui fait donc sécession avec les armées qui sont fidèles à son nom et celui de César. Autre résultat, Cicéron, le célèbre auteur et orateur (à gauche), est forcé d'offrir à Octavien des pouvoirs bien supérieurs à ce qu'il devrait obtenir, pour contrer Marc-Antoine. Il a dit à ce moment un truc genre "le talent n'attend pas le nombre des années."
Genre le gosse il est à peine majeur, il a pas encore commencé son cursus honorum et il reçoit une armée. Note que c'est là le début d'une longue carrière de manipulation politique absolument exemplaire. Retiens bien c'que j'te dis : l'ascension politique d'Octavien est celle d'un stratège calculateur de haut niveau qui réduirait nos politiciens à de vulgaires comploteurs. En 43, Marc-Antoine, Octavien et leurs armées s'affrontent donc à Modène, en Italie, et Octavien non seulement défait son adversaire, mais survit également aux deux consuls de l'année, Hirtius et Pansa. Pas con le mec, il est le seul à récolter les lauriers.

Pas très cons, Marc-Antoine et Lépide, ancien maître de cavalerie de César, qui ont tous les deux été déclarés ennemis publics par le Sénat, proposent à Octavien une alliance. Les trois hommes constituent donc le Second Triumvirat avec une quête principale et une quête secondaire. Dans l'ordre : massacrer les assassins de César, M. Junius Brutus et C. Cassius Longinus, puis renforcer la nouvelle mode des généraux de prendre le pouvoir politique sur ces connards de sénateurs. Les principaux chefs de la république sont donc rapidement assassinés, à commencer par Cicéron (pas reconnaissant pour un sou, l'Octavien). Les proscriptions et les exécutions sommaires se multiplient, principalement parmi les chevaliers et les opposants à Jules César et les participants directs ou indirects à son assassinat.
Une fois que Rome est entièrement entre leurs mains, les triumvirs se tournent vers l'Orient et écrasent Brutus et Cassius en 42 avant JC-le-religieux, lors de la bataille de Philippes en Grèce (enfin les vilains se suicident après leur défaite, pour être exact). Cette même année, la comète qui a traversé le ciel en 44, à la confirmation d'adoption de César, est définitivement considérée comme le grand homme rejoignant les dieux, et Octavien devient alors Caius Julius Caesar Divi Filius, ou César le Jeune, fils du divinisé.
Petite anecdote à ce sujet : contrairement au latin, en grec, y'a qu'un seul et unique mot pour désigner tout ce qui est de l'ordre du divin : theos/thea. Dieu ou déesse. Donc dans la partie hellénophone de l'empire, Octavien est fils d'un dieu qui est l'égal de Zeus, d'Athéna ou de Poséidon, y'a pas la gradation divine des Romains. Avoue que pour un Jules César c'est la classe.


En violet, les possessions d'Octavien, en marron, celles de Lépide, en vert celles de Marc-Antoine. L'Italie sénatoriale est en orange, les états-clients en jaune orangé, l'Egypte en rose saumon et l'empire parthe (dont on se contrefout ici) en rouge. En bleu-violet, Sextus Pompée le chieur.

En 39 avant JC-le-religieux, la seconde phase de la guerre civile étant terminée après la mort des meurtriers de Jules César, les triumvirs, qui contrôlent depuis un an l'Occident pour César le Jeune, l'Orient pour Marc-Antoine, et l'Afrique pour Lépide, sont confrontés à un nouveau problème. Celui-ci porte un nom évocateur : Sextus Pompée, fils de Pompée le Grand, et maître des îles d'Italie (Corse, Sardaigne, Sicile).
Sextus Pompée bloque les arrivages de blé qui transitent par les îles et comme la famine, ça emmerde tout le monde Octavien et Lépide envoient leurs troupes sur place. Ce dernier essaie de prendre les îles pour les ajouter son tiers d'empire (après tout, Octavien contrôle les Gaules et l'Espagne), mais ses troupes l'abandonnent au profit du jeune César et le triumvirat devient un duumvirat. Attation, Lépide n'est pas tué hein. Bah non, attends, il est Grand Pontife, sa vie est sacrée, faut pas offenser les dieux ! C'est d'ailleurs pour cette raison qu'Octavien attendra 24 ans pour prendre le titre de Grand Pontife, le temps qu'il faudra à Lépide pour mourir naturellement. Patient, le mec.

Après cette mini-guerre, en
35 avant JC-le-religieux, Marc-Antoine (à droite) proteste contre César le Jeune, arguant que le partage des terres africaines de Lépide n'a pas été équitable, et demande en plus des légions supplémentaires pour préparer une campagne contre les Parthes (le grand ennemi de Rome à l'époque, et qui, si tu te rappelles du premier épisode, détiennent encore les aigles de légion de Crassus, perdus en 53). César le Jeune refuse, appuyé par un sénat qui reprend du poil de la bête, au motif pas tout à fait erroné, au fond, que Marc-Antoine est un oriental soumis à la reine d'Egypte, une certaine Cléopâtre...
Histoire d'alimenter la bagarre, Marc-Antoine met en lumière le fait qu'Octavien ne serait pas l'héritier légitime de Jules César, étant donné que celui-ci a eu un fils avec Cléopâtre, appelé Césarion. Sachant que lui-même lui a donné toute une portée d'Antoines miniatures, ça en dit long sur le niveau du débat...

Bref, en 31 avant JC (je précise plus lequel parce que l'autre est désormais relégué à l'Histoire), Octavien est envoyé par le Sénat et le peuple romain, tous deux fidèles à son pouvoir, en campagne contre l'ambition de l'Egypte et de sa salope de reine, à qui le plumard de César a filé des idées impérialistes. L'affaire tourne court, puisque durant cette même année 31, la bataille navale d'Actium, au large du promontoire de la ville grecque, est remportée par la flotte romaine contre l'égyptienne. L'année suivante, histoire de couronner son triomphe, et puisqu'il n'a pas le droit à la cérémonie du même nom après une victoire contre un romain, décide encore de changer de nom.
Puisque l'imperator est le général victorieux qui a écrasé ses ennemis en semant la mort et la dévastation, et bien soit, il sera Imperator Caesar Divi Filius. L'autre il décide carrément qu'il sera un décimateur d'armées perpétuel. Revenu à Rome, le général victorieux, qu'on appelle alors César le Jeune ou Octavien, toujours, effectue un acte symbolique en fermant les portes du temple de Janus, dieu des portes et des ouvertures, protecteur de Rome en guerre : il signale ainsi que pour la première fois depuis des années, Rome est en paix civile, ce qui lui confère bien sûr classe et popularité.

Statue d'Octave, alias Octavien... enfin bon, vous connaissez la suite ^^
Il est plus âgé et vêtu en empereur romain.

La preuve, trois ans plus tard, en 27 avant JC, date à retenir s'il y en a une, le Sénat confère à César le Jeune le titre d'Auguste. Particulier, ce nom est traditionnellement associé aux dieux (il vient de augur, le devin) et signifie, par son étymologie, "celui qui agrandit, qui fait croître". Un nom plutôt adapté pour un mec qui a repoussé un peu partout les frontières romaines, ne serait-ce qu'en conquérant l'un des derniers royaumes lagides, l'Egypte, qui devient alors propriété personnelle du prince : elle est gouvernée en son nom par un préfet de rang équestre (les chevaliers finiront par avoir leur ascension politique sous l'empire, bien joué les mecs !), les sénateurs et les émissaires de la république ne peuvent y entrer sans son autorisation, ça rigole pas.

Bon, par contre, plus tard, Auguste était moins occupé à guerroyer contre le monde entier. C'est qu'il avait tout un empire à gérer, le pauvre ! Après avoir réformé la société, en restructurant l'ordre équestre, l'ordre sénatorial, et les conditions pour devenir chevalier, le Princeps, le prince, "premier des citoyens", profite de son pouvoir absolu sur le plan militaire pour finir la conquête de l'Espagne (y'avait un ptit bout en haut à gauche plein de barbares qui résistaient encore et toujours à l'envahisseur) puis pour aller botter les culs des Parthes, en 20 avant JC, pour y récupérer les aigles de légion perdus par Crassus en -53.
Il continue sur sa lancée, il prend (enfin, fait prendre, par ses généraux) la Germanie de 16 à 9 avant JC, ou du moins la partie que César avait laissée aux tribus barbares : pendant un temps, la frontière romaine s'étend jusqu'à l'Elbe, au niveau du Danemark actuel.

Arminius le Chérusque, chef
barbare élevé à Rome
et meneur d'une des rares révoltes
vraiment abouties
contre l'Empire Romain
La province provisoire sera cependant le théâtre d'un drame en 9 après JC : les trois légions de Publius Quintilius Varus, soit environ 22 500 hommes (45 000 avec les auxiliaires) sont massacrées par les barbares menés par Arminius dans la forêt de Teutobourg, et Auguste évacue presque aussitôt le pays, revenant sur le Rhin : ce qui se trouve au-delà ne deviendra ainsi jamais romain.
Cependant, par son règne incroyablement long (il est mort à 77 ans), ses efforts pour ramener la paix, puis agrandir l'empire, ainsi que ses très nombreuses constructions dans la ville de Rome, notamment celle de la nouvelle Curie du Sénat et d'édifices religieux (dont plusieurs à la gloire de César), ses réformes en matière  de politique intérieure, font qu'Auguste est resté très longtemps un véritable modèle d'empereur et de dirigeant puissant et sage.  Imperator Caesar Divi Filius Augustus meurt en 14 de notre ère, et est suivi à la tête de l'empire par son beau-fils Tibère.
D'ailleurs, la Germanie et Tibère, on va en reparler, parce que c'est un sujet intéressant et que j'ai un peu à dire dessus, mais ce sera pour une autre fois ;)

L'empire au dernier siècle de la république et au premier siècle du Principat : en jaune orangé, l'empire à la mort de César (-44), en vert clair les conquêtes sous Auguste jusqu'en 14, dont la Germanie en orange foncé, et en vert foncé les conquêtes des empereurs de 14 à 117.

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