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3.8.25

Encore une adaptation de comic qui sait ce qu'elle fait ? Mais c'est trop bien !


Les 4 Fantastiques : Premiers Pas.

Film américain de Matt Shakman (2025) avec Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Joseph Quinn, Ebon Moss Bachrach, Ralph Ineson, Julia Garner.
Genre : science-fiction, super-héros.
Vu en VOST.

New York, dans les années 1970. Pionniers de l'exploration spatiale américaine, le docteur Reed Richards, son épouse Susan Storm et ses deux amis Johnny Storm et Benjamin Grimm ont subi lors d'un vol orbital les effets d'une tempête cosmique qui a modifié leur ADN et leur a donné des pouvoirs surhumains.

Depuis, ils sont les 4 Fantastiques, protecteurs de la Terre contre le crime, adorés de la population et des médias. Mais un bouleversement nouveau survient dans la vie du quatuor : Susan Storm est enceinte, et son mari et elle ne savent pas à quoi s'attendre de la part de ce bébé miraculeux.

Honnêtement j'étais vraiment pas tenté par ces 4 Fantastiques, le MCU ça fait quelques années que j'ai décroché devant le bordel insensé qui a été balancé après Avengers Endgame, et je me suis posé régulièrement cette question, "quelle ligne directrice, quel enjeu commun peut réunir les anciens comme Hawkeye et Stephen Strange, les héritiers comme la nouvelle Black Panther, le nouveau Captain America, la nouvelle Black Widow, les nouveaux comme Shang-Chi, les Eternels, Miss Marvel, dans un combat collectif ?"
Alors à un moment c'était Kang le Conquérant, qui est franchement nul comme antagoniste, maintenant à priori c'est Victor von Doom, le Docteur Fatalis, mais pour ça il faut déjà l'introduire dans le récit, et donc il faut d'abord mettre ses principaux ennemis : les 4 Fantastiques.

Et moi je m'en tape, j'ai déjà vu trois films et ils étaient pas bien (mais je vais en reparler (nan je déconne je vais pas reparler du film de 2015, tout le monde l'a oublié, moi le premier)).
Et puis un film sur un certain groupe d'anti-héros appelés les Thunderbolts* est sorti, et le trailer post-générique m'a vendu du rêve. En plus, bon, y'a Pedro Pascal à l'affiche. Pedro il est génial.

Et puis faut admettre qu'on retrouve dans ce film le même genre de ville lumineuse et agréable à survoler que dans le Superman de James Gunn.

Hasard du calendrier ou virage rafraîchissant des licences super-héroïques, j'ai beaucoup aimé Les 4 Fantastiques : Premiers Pas à peu près pour les mêmes raisons que j'ai aimé le Superman de James Gunn dont j'ai parlé récemment : de l'optimisme, des couleurs, de la lumière et une profonde sincérité de la part des personnages principaux.
Parce que, loin de se prendre la tête avec la grandeur des ambitions de Marvel dans le MCU (renaissant ?), y'a qu'à voir le fait que l'essentiel de la communication autour du futur Avengers Doomsday se résume à son casting délirant (avec autant de super-personnages que dans Avengers Infinity War et Endgame, sans doute), ce nouveau film 4 Fantastiques est resserré autour d'une focalisation simple et limite intime.
Pour le dire clairement, c'est un film familial dans un univers isolé, on peut le regarder sans avoir rien vu par ailleurs.

L'écriture.

Et donc, comme le Superman de James Gunn, le film n'introduit pas les 4 Fantastiques, on arrive direct dans un univers où ils sont les seuls super-héros de la Terre, leur existence est publique, ils sont défenseurs de la paix depuis un moment, ils sont même posés dans une certaine normalité dans leur monde, parce que leur statut de super-héros et leur origin story, bah c'est pas l'enjeu du film, la narration repose pas dessus.
Les 4 Fantastiques, dès la création dans les années 60, c'est une famille, et c'est comme ça qu'ils sont traités dans le film, pour le meilleur et pour le moins bon.

Parce que niveau écriture, c'est malheureusement loin d'être parfait, de toute façon le film parfait n'existe pas (enfin si il existe mais ceci n'est pas un article consacré au Seigneur des Anneaux, c'est dommage parce qu'Ortilys aurait bien besoin d'être convaincue, tant pis Ortilys, bien fait pour toi ^^) et je vais sortir une dinguerie, mais sur certains aspects le film de 2005 était meilleur que celui-ci. Plein de gens, y compris dans mon entourage, se sont réjouis en voyant le casting de ce film, perso sur les 4 principaux je connais que Pedro Pascal, et je me réjouissais de découvrir par exemple Joseph Quinn... bah j'attends toujours de le découvrir en fait.
Précisément parce que le film s'affranchit de l'origin-story et donc de l'enthousiasme initial d'un Johnny Storm face à ses nouveaux pouvoirs (il est ici en activité depuis quelques années), et parce que le film parle d'une famille dans laquelle il n'est pas le cœur (c'est Reed Richards et Sue Storm), bah le personnage n'est pas réellement développé.
On n'a même pas un ou deux grands traits de personnalité dominants pour l'identifier, alors que dans le diptyque de 2005/2007, Johnny Storm c'est le mec superficiel et égocentrique qui adore être une star (il se fait d'ailleurs incendier, pas littéralement, par une militaire américaine sur ce point, dans le film de 2007), avoir l'attention du public et des jolies femmes, et qui est le communiquant public des FF. Dans ce film de 2025, il remplit une fonction mais ce rôle ne repose pas sur une caractérisation personnelle.

Alors, on va pas se mentir : il joue très bien son personnage, à aucun moment j'me suis dit que je regardais pas Johnny Storm la Torche Humaine. Mais ce personnage est vide. Je ne sais RIEN sur cette version de Johnny Storm la Torche Humaine. Chris Evans était bien meilleur dans le diptyque de 2005/2007, parce que lui au moins avait quelque chose à jouer, une personnalité, des traits marquants. Joseph Quinn, il est sous-exploité.

Et c'est pareil pour Ben Grimm, à un moment y'a une petite piste de potentiel qui pourrait rappeler le film de 2005 (qu'est-ce que ça fait d'être devenu un rocher vivant et comment on le vit), mais non, c'est abandonné aussitôt. Comme je l'ai dit à un pote, ça pourrait s'appeler "Les 2 Fantastiques et les deux autres gars", ça aurait le même goût et la même odeur.

Cela dit, y'a un aspect absolument essentiel sur lequel le film répond parfaitement aux attentes qu'il pose en termes d'écriture et d'adaptation de comics : le personnage de Reed Richards.
Reed Richards, il a UN. TRAIT. MAJEUR. et c'est absolument inenvisageable d'écrire ou d'adapter le personnage sans ce trait : il est extrêmement intelligent et rationnel. Dans les comics, il est régulièrement décrit comme l'homme le plus intelligent du monde (devant Stephen Strange, Charles Xavier ou encore Tony Stark), il se laisse jamais distraire par les émotions, au point même que ça lui cause parfois des problèmes.
Dans l'arc Civil War par exemple, Reed Richards est du mauvais côté de la guerre civile qui déchire les super-héros, il est du côté de Tony Stark et du SHIELD qui imposent aux super-héros de révéler leur identité secrète aux autorités pour continuer à exercer légalement leur vigilantisme, sous peine d'être enfermés dans une dimension parallèle de poche (bah tiens, comme dans le Superman de James Gunn), dimension dont Richards lui-même est le créateur. Parce que pour lui, l'impératif de sécurité nationale passe avant les droits individuels des Supers. Et dans l'excellent one-shot Dark Ages, qui raconte une apocalypse chez Marvel, il fait partie des grands cerveaux qui travaillent (contre leur gré) pour le super-vilain Apocalypse à une solution technique extrêmement pointue, à nouveau.

Pour Reed Richards, la réaction la plus logique au problème le plus insignifiant qui soit, c'est d'en faire une équation de 4 kilomètres de long. Et ça marche, la plupart du temps !

Bref, dans ce film 4 Fantastiques, le côté rationnel de Reed Richards est parfaitement adapté, y'a quelques problèmes plutôt complexes qui se posent à lui et je trouve que Pedro Pascal a bien interprété ce côté froidement réfléchi (voire même sacrificiel) du personnage, qui fuit les conflits en se réfugiant dans les longues séquences d'équations — cela dit c'était aussi le cas du Reed Richards de Ioan Gruffudd dans le diptyque des années 2000, si on exclut une séquence bien malaisante durant laquelle il danse en boîte en utilisant son élasticité pour impressionner de jolies femmes.
Mise à part ça, y'a cependant quelques facilités sur l'écriture, notamment concernant les antagonistes ou la manière dont l'humanité de ce monde réagit aux problèmes posés par ces antagonistes, mais c'est pas la peine de s'y attarder (ce serait du spoil ^^), et puis le film brille intensément par un autre aspect essentiel et très réussi : la mise en scène.

Le problème de Thanos.

Il faut qu'on parle de Thanos. En tout cas, de la manière dont je perçois Les 4 Fantastiques Premiers Pas, il faut que j'en parle à cause d'un rapprochement qui s'est immédiatement fait dans mon esprit.
Alors, il y a un reproche très important qui a été fait durant ce que j'appelle la Première Époque du MCU, l'arc de l'Infinité, et qui est d'une légitimité incontestable, même moi qui adore cet arc j'admets la validité de l'argument.
Ce reproche, c'est qu'on ne ressent pas l'importance des enjeux du récit. Et c'est vrai.

Même si c'est très rarement évoqué dans le MCU, seulement quand il est surnommé "le Titan Fou", Thanos est donc un Titan. Peu importe comment on définit ou on reconnaît un Titan chez Marvel, le fait est qu'ils sont censés avoir de l'ampleur, de la grandeur. L'enjeu narratif principal autour de Thanos, c'est en outre sa volonté "d'équilibrer" l'univers pour lutter contre l'épuisement des ressources naturelles — un plan d'une connerie abyssale d'ailleurs, si t'y réfléchis un peu ça tient pas deux secondes. J'en ai souvent parlé sur les réseaux sociaux mais j'ai jamais eu l'occasion d'en parler sur un format durable comme un article, alors j'en profite.
Le mec veut éliminer 50% de LA VIE dans l'univers, donc déjà, statistiquement ça inclut la flore et des animaux qui contribuent à l'équilibre des écosystèmes alors que seules les espèces dites intelligentes (humaines ou aliens humanoïdes) détruisent consciemment leur environnement, et d'autre part il veut faire ça au hasard "par souci d'impartialité" alors que deux secondes de réflexion sur l'écologie suffisent pour savoir qu'une telle élimination devrait être ciblée et viser en priorité ceux qui détruisent le plus les écosystèmes : les riches, les privilégiés, les pollueurs, les industries. Combien de militants écolos et de paysans bio ont été tués aléatoirement par le Snap de Thanos ?

Flinguer l'image publique de l'écologie dans l'inconscient collectif ?
Bah c'est facile, il suffit d'écrire un personnage qui prétend vouloir génocider l'humanité, et tu lui fais dire que son plan c'est de défendre l'environnement. Et paf, tu crées des légions d'abrutis qui détruisent la nature en soutenant le capitalisme libéral consumériste. Hollywood fait ça depuis de des décennies.

Ma théorie c'est qu'une des raisons pour lesquelles Thanos a été écrit avec le cul pendant tout le MCU, outre le conformisme habituel des antagonistes éclatés, c'est parce que Hollywood est prêt à mettre de la politique dans ses films, mais pas au point de présenter des personnages écologistes sous un jour favorable (en témoignent les innombrables antagonistes écolos dont l'écologisme belliqueux et vénère d'Orm dans Aquaman et les scientifiques en mode pétage de câble de Don't look up), parce que ça soulèverait des questions désagréables sur l'hypocrisie états-unienne.

Bref, Thanos est un Titan et sa présence dans le MCU soulève des enjeux d'une ampleur universelle, à hauteur de 50% de la vie existante d'après lui.
Sauf que Thanos c'est juste un grand gaillard de 2m50 en armure qui tabasse Hulk et les Avengers. Comme les critiques le formulent très bien, il est pas à la hauteur de la menace qu'il incarne, on ne le sent jamais invincible, écrasant, divin, cosmique. M'enfin à titre de comparaison, dans les comics Marvel les Titans sont une branche déviante (c'est le cas de le dire) des Eternels, et dans le MCU ces derniers ne sont pas spécialement impressionnants non plus.

Quoi qu'il en soit, à la fois pour des raisons extra-diégétiques (le coût de financement des films, les moyens matériels alloués au cinéma et à la culture humaine en générale, nous ne sommes que de petits êtres, après tout) et intra-diégétiques (les persos du MCU affrontent rarement des êtres de dimension cosmique), le MCU manque effectivement d'ampleur à pleins d'égards et même des êtres comme les dieux n'ont jamais l'air d'être ce qu'ils sont (ouais, là je parle de la merde pondue par Taika Waititi à la suite d'Avengers Endgame).

Les dieux dans le MCU c'est une bande de débiles qui s'envoient des fions dans un gigantesque parlement aux allures d'opéra surdimensionné sous la direction d'un Russel Crowe en sous-régime.
À un moment comment tu veux croire que cet univers a de l'ampleur ? Le palais d'Odin dans Thor était plus crédible.

En revanche, dans ce film Les 4 Fantastiques, il y a deux antagonistes (c'est pas difficile à deviner, les héros éponymes ont principalement trois adversaires et l'un des trois va visiblement se taper tout le casting du MCU dans le prochain film Avengers, donc il reste les deux autres), dont l'un, à la fois par sa nature et son rôle dans le récit, mérite d'être présenté avec une ampleur visuelle et narrative digne de son rang.
Coup de chance, c'est le cas. Après avoir vu le film, en sortant du ciné et en réfléchissant à ce que j'avais regardé, y'a une pensée qui m'est venue à l'esprit assez vite. Il n'y a que deux occasions précédentes dans le MCU où j'ai vu une telle ampleur mise sur des antagonistes, à la fois en termes d'écriture et de mise en scène — et vous l'avez compris, aucune de ces occasions ne concerne Thanos.

Clairement, Les 4 Fantastiques Premiers Pas me rappelle furieusement à la fois Doctor Strange et Les Eternels, dans les deux cas pour la même raison : un antagoniste d'une ampleur inédite à la fois narrative visuelle, et une incapacité totale des protagonistes à le vaincre. Parce que, euh... spoilers de 2016, je suppose, Stephen Strange n'a pas vaincu Dormammu, c'est même impossible pour lui, il s'est contenté de le tenir à l'écart de la Terre grâce à une astuce.
Dans le même genre, les Eternels n'ont pas plus éliminé Tiamut (il a été changé en pierre mais inverser cette métamorphose doit être dans les capacités des Célestes) qu'ils n'ont affronté Arishem (ce qui serait du suicide pur et simple).

Le truc est plus grand que la planète et il a décidé de la détruire avec tout ce qui se trouve dessus parce qu'à son échelle c'est comme ça que fonctionne l'univers. Qu'est-ce que tu veux faire, concrètement ? Qu'est-ce que tu PEUX faire ?

Bref, je trouve très intéressant que pour une fois dans le MCU on place les personnages face à une adversité telle qu'elle semble à la fois gigantesque dans son ampleur et invincible dans ses capacités, ça oblige à ruser et à faire preuve d'inventivité pour la confronter, plutôt que de bêtement la tabasser, et ce serait bien qu'on ait plus souvent ce genre d'adversité à l'avenir (après tout, ils ont ressorti le Leader dans Captain America Brave New World des plombes après L'incroyable Hulk, j'ai arrêté d'espérer que Les Eternels pourrait avoir une suite mais Dormammu est toujours dans sa Dimension Noire).
Et j'ajoute au passage, s'agissant de l'antagoniste des 4 Fantastiques Premiers Pas, que je suis très content pour Ralph Ineson, c'est un acteur anglais que j'aime bien, il a joué plein de seconds rôles sympa dans des trucs à succès (Game of Thrones, Kingsman : Services Secrets, Peaky Blinders...) et j'espère qu'on le reverra à l'avenir.

Vous l'aurez donc compris, à la fois dans sa mise en scène et sa représentation des antagonistes, j'ai beaucoup aimé l'esthétique des 4 Fantastiques Premiers Pas.
De manière plus globale, le fait que le récit s'émancipe de tout code préexistant (au hasard : ceux de notre monde, celui où se déroule la majeur partie du MCU jusqu'ici) permet de développer un univers qui, certes n'est pas inédit, mais a au moins le mérite d'être original et trop rare dans la pop culture (sauf si vous jouez pas mal aux jeux vidéo et notamment aux Fallout) : le rétrofuturisme.

Au moins maintenant on sait d'où Zack Snyder a tiré ses inspirations pour les combinaisons portées sous les armures kryptoniennes qui ont donné le costume du Jésus-perman joué par Henry Cavill.
Le bleu vif ça passe très bien à l'écran hein, ça pète pas les yeux, ça va, pas besoin de ce truc à peine lisible sur l'image.

Clairement, comme la série Netflix One Piece, comme le film Superman de James Gunn, ce film 4 Fantastiques est kitsch, dans le meilleur sens du terme. On est totalement dans l'esthétique des années 70, ça reste coloré comme dans la décennie précédente mais c'est moins floral, la conscience collective états-unienne commence à se ranger un peu, et donc rétrofuturisme oblige, dans un univers où les 4 Fantastiques sont des super-héros qui protègent la sécurité nationale, y'a un robot domestique, une voiture volante, la technologie et l'architecture sont très esthétisés et ça fait plaisir, on est pas dans le gothique d'un Batman ni l'urbanisme post-industriel du 21ème siècle. C'est bien New York qui est représentée, mais je l'ai jamais sentie tentaculaire et écrasante comme dans plein de blockbusters actuels.

En bref : cette nouvelle version des 4 Fantastiques n'est pas parfaite, à cause de l'orientation narrative prise par les scénaristes, qui peine à faire de la place à deux personnages sur quatre, mais elle bénéficie d'une direction artistique, et notamment visuelle, beaucoup trop rare et très appréciable dans les films de super-héros. Surtout, ses enjeux sont bien menés et les antagonistes sont traités avec beaucoup de sérieux. Si Marvel parvient à apprendre de ses erreurs et à produire de nouveaux projets intéressants et sincères comme ça, je suis preneur !

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