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15.5.15

Remember, remember, the fifth of November...


V pour Vendetta.

Auteurs : Alan Moore pour le scénario, David Lloyd et Tony Weare au dessin.
Origine : États-Unis.
Nombre de livres : 10 aux États-Unis et 6 en France.
Date de publication : 1988-89 aux États-Unis et 1989-90 en France.
Genre : roman graphique.

Londres, 1997. L'Angleterre est l'un des rares pays à avoir survécu à une guerre nucléaire et aux dérèglements climatiques qu'elle a suscités. Le parti unique au pouvoir, Norsefire, a établi un état totalitaire qui parvient enfin à contrôler toute la société, quand un anarchiste se faisant appeler V commence à attaquer le régime.

Très vite, la situation dégénère et un état de guerre s'établit entre l'organisation V et Norsefire.

Alors, autant commencer par une annonce claire et directe, les deux œuvres que sont V pour Vendetta le roman graphique et le film qui en a été adapté sont très différentes et je préfère le film, bien que je n'en parlerai presque jamais dans cet article. Voilà.
Bon, je reviendrai pas sur l'intrigue parce que grosso merdo elle est semblable à ce que vous connaissez probablement (y'a intérêt pour vous). Les éléments qui varient d'une version à l'autre tiennent essentiellement au contexte, et c'est là que j'vais m'arrêter avant de cesser d'aborder le film de McTeigue scénarisé par les Wachowski.

Alors, grosse ambiance, le personnage d'Evey est tellement pauvre que la première fois qu'elle rencontre V c'est quand il la sauve d'un membre de la police politique auprès de qui elle a (dangereusement) voulu se lancer dans la prostitution.

Franchement, je comprends pas Alan Moore. En plus d'être un auteur talentueux, il a l'air d'être un grand malade (il se prétend magicien et vénère une divinité romaine, normalement je devrais apprécier mais c'est complètement con) et il me semble incapable de concevoir le contexte d'une œuvre culturelle donnée, y compris les siennes. J'veux dire, d'après Wikipédia, il a dit ça :

« Ce sont des films idiots, sans la moindre qualité, une insulte à tous les réalisateurs qui ont fait du cinéma ce qu'il est, des magiciens qui n'avaient pas besoin d'effets spéciaux et d'images informatiques pour suggérer l'invisible. Je refuse que mon nom serve à cautionner d'une quelconque manière ces entreprises obscènes, où l'on dépense l'équivalent du PNB d'un pays en voie de développement pour permettre à des ados ayant du mal à lire de passer deux heures de leur vie blasée. La majorité de la production est minable, quel que soit le support. Il y a des films merdiques, des disques merdiques, et des BDs merdiques. La seule différence, c'est que si je fais une BD merdique, cela ne coûte pas cent millions de dollars. »

Alors admettons que la fin de la citation soit parfaitement fondée (le cinéma de divertissement coûte hyper cher et rapporte encore plus, c'est devenu un business plus qu'un art de la création), les adaptations qui ont été faites de Watchmen et V pour Vendetta sont excellentes. Si la première avait été fidèle, New York était dévastée par un grotesque amas de tentacules mutant issu de l'Atome -_- 
Bon ok, malgré ses inspirations hitlériennes et orwelliennes, la seconde a été placée dans un contexte très contemporain, sur fond de psychose d'état, de dirigeants déviants, de pandémie et de révolution populaire, la mystique du V/5 a été poussée à l'extrême, mais ça reste tout à fait acceptable !


Bref, le roman graphique, je l'ai dit, est très différent. Depuis le dessin jusqu'au scénario et à l'univers, on est complètement dans la fin des années 80 (et je préfère vachement plus le style de La Splendeur du Pingouin), et ça se sent. Cela dit, c'est quand même vachement profond et travaillé, comme œuvre. Déjà, on a une vision organique de l'État et de la société qui fait que les différents services sont nommés en conséquences (l'Oreille pour les écoutes, l'Œil pour les caméras, la Bouche pour le service de propagande, le Nez pour la police ordinaire et la Main pour la police d'état, d'où le Doigt qui n'avait pas été très expliqué dans le film), le Commandeur Adam Susan chapeautant officiellement le tout, mais se révélant en fait être un personnage très secondaire, plus une incarnation qu'un vrai acteur.
En fait le Commandeur c'est un peu Stannis Baratheon, il est seul, il veut juste qu'on l'aime, et au final ça lui réussit pas du tout x)

De fait, il y a dans V pour Vendetta un rapport étroit entre le personnage éponyme et le Commandeur, puisque tous deux se croient liés à la Destinée, cette maîtresse volage qui les a trompés l'un avec l'autre et qu'ils ont quittée, l'un pour le fascisme, l'autre pour l'anarchisme. C'est un aspect majeur de l'œuvre, propre aux convictions d'Alan Moore, que d'opposer ces deux théories politiques en s'arrêtant longuement sur la seconde. Je dirais même que maintenant je comprends mieux l'anarchisme qu'avant puisque V en donne une définition évidente à Evey Hammond, adolescente qu'il a sauvée de la prostitution, du viol et de l'exécution avant d'en faire son élève, de s'attirer sa haine puis sa reconnaissance.
Définition de l'anarchisme, donc, un régime sans chef. Et c'est l'évidence même. Étymologiquement, an-arkos, en grec, c'est « pas de chef », et donc ça n'a rien à voir avec le chaos qui est souvent associé à tort à cette théorie politique. J'ai une connaissance de la fac qui est anarchiste (Ali, si tu passes par là ^^), maintenant je comprends pourquoi, en fait la forme concrète de l'anarchisme c'est la micro-communauté auto-gérée plus que l'État réel, et ça souligne l'importance de cette théorie politique dans les consciences occidentales.


Du coup, tout au long de cette œuvre est dépeinte un monde totalement différent du nôtre notamment dans son état d'esprit, où l'on peut concevoir qu'un policier éprouvé se mette à consommer des drogues dures pour entrer dans l'esprit du mec qu'il pourchasse (désolé Eric Finch, j'te préfère à l'écran). Les femmes, notamment, ont un rôle très important en tant qu'intrigantes de l'ombre en dépit de leurs puissants maris, et il nous est présenté également la mobilisation de la criminalité ordinaire, celle des rues, au service de certains dirigeants très rusés. Ça n'a rien de nouveau, tu veux des petites frappes à moindre coût, tu ramasses tous les voleurs, tueurs et violeurs que tu trouves, tu leur files un badge et un flingue, mais ça fait toujours son effet.
V, de son côté, n'est pas juste un type avec des super-pouvoirs comme dans le film, mais est en revanche très érudit dans des domaines aussi variés que la philosophie, la psychologie, la littérature, la chimie ou la botanique, de part ses lectures au camp de Larkhill et le fait qu'il était intégré, par sa docilité, au programme botanique du centre d'internement, ce qui lui a donné l'immense savoir qu'il utilise au moment du récit contre l'État de Norsefire.


Par contre, je l'ai dit, le style visuel est plutôt vieilli et, ironiquement, semblable à celui de Watchmen qui était dessiné par Dave Gibbons. Concrètement, si le noir est utilisé en surabondance, les couleurs sont vives et éclatantes, on s'croirait dan un vieux comic des années 50/60. Après, pas mal de visions d'ensemble, de plans iconiques ou de références parsèment l'œuvre, qui demeure très lisible et tout à fait agréable à l'œil.

En bref : ce roman graphique est très intéressant et mérite vraiment le coup d'œil, mais si l'on a découvert le film d'abord, il faut garder à l'esprit que les deux œuvres comme leur contexte de production et de narration sont totalement différentes. Les deux se valent et on a ici une belle et grande fresque uchronique dans la lignée de 1984 d'Orwell ou de Fahrenheit 451 de Bradbury.

1 commentaire:

  1. Moi j'ai préféré le roman graphique au film, pour la plus grande richesse et complexité des histoires, des psychologies. Sa dureté aussi, plus profonde que le film.
    Pour autant, je ne me lasserai jamais de Hugo Weaving et Natalie Portman ! :)

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