Film américain de Ron Howard (2015) avec Chris Hemsworth, Benjamin Walker, Cillian Murphy, Brendan Gleeson, Ben Whishaw, Tom Holland.
Genre : histoire, aventure, drame.
Vu en VOST.
Île de Nantucket, Massachussets, 1850. L'écrivain Herman Melville vient trouver un aubergiste, Thomas Nickerson, pour lui demander de faire un récit précis. En effet, Nickerson est alors le dernier survivant des marins qui ont navigué, entre 1819 et 1820, sur l'Essex, un navire baleinier qui aurait été coulé par un immense cachalot blanc, lequel n'a cessé d'entretenir les légendes depuis.
D'abord réticent, Nickerson finit par céder et narrer l'histoire de l'Essex, du capitaine George Pollard et d'Owen Chase.
Alors ce film, je voulais le voir pour tout un tas de raisons, et maintenant que c'est chose faite j'en suis ravi parce qu'il est aussi intéressant que je le soupçonnais. Il faut savoir que ce n'est que le troisième long-métrage de Ron Howard que je vois, mais j'ai adoré les deux autres, le classique de fantasy Willow et le thriller haletant Da Vinci Code (qui raconte merveilleusement bien une histoire totalement fictive. Si vous avez un autre avis sur le caractère fictionnel ou la portée de ce récit, merci de bien fermer vos gueules). Ron Howard a tourné Rush, film sur la course automobile, qui était déjà un duel entre deux hommes dont l'un était incarné par Chris Hemsworth : rien d'étonnant à ce que l'Australien soit de retour ici.
Et puis accessoirement Au cœur de l'océan est un film sur l'océan – que j'adore – la vie marine – que j'admire – et une adaptation de l'histoire vraie qui a inspiré Moby Dick. Bref, avant même de le voir, j'avais déjà un à priori plutôt positif. Lequel a été confirmé rapidement par la présence d'un casting ahurissant.
Le port de Nantucket, telle que présenté au début du film (Rodeo c'est la boîte d'effets spéciaux).
Chris Hemsworth, on le présente plus (enfin y'a intérêt), Cillian Murphy est génial aussi, Brendan Gleeson est un de mes héros du cinéma, Benjamin Walker a incarné assez justement un Abraham Lincoln chasseur de vampires en 2012, Ben Whishaw reprend ici un rôle comparable à l'un de ses personnages du magistral Cloud Atlas (Robert Frobischer dans le segment 1936) et Tom Holland, que j'ai agréablement découvert en Spiderman dans Captain America Civil War, semble être un jeune talent en pleine ascension. Ajoutez aussi Michelle Fairley (Catelyn Stark dans Game of Thrones), Joseph Mawle (Benjen Stark dans Game of Thrones) et Jordi Mollà (un portrait craché de Gerard Butler espagnol) dans des rôles secondaires mais marquants, et on a fait le tour.
En fait, de manière similaire à Master and Commander (de Peter Weir avec Russel Crowe et sorti en 2003), on a ici affaire à un film de navigation dans lequel la narration est logiquement centrée sur un petit nombre de personnages – les officiers de bord – et dans une moindre mesure sur le narrateur interne, Nickerson, et son destinataire, Melville, le film jouant en permanence sur une double-temporalité.
Ce choix narratif est d'ailleurs parfaitement assumé et légitime, en rapport avec l'histoire racontée. L'histoire de l'Essex, déjà connue (évidemment) au moment de l'écriture du film veut que, après le naufrage, les marins survivants aient souffert le calvaire jusqu'à leur retour au pays – pour ceux qui sont rentrés – et sans vouloir spoiler, on peut comprendre que Nickerson n'ait pas très envie de replonger dans cette partie dramatique de sa vie – à titre d'information, il a 14 ans quand il est engagé comme moussaillon sur l'Essex.
De fait, l'intrigue laisse énormément de place aux émotions et aux sentiments des personnages. Dans un premier temps parce qu'ils sont contents de partir et assez confiants, sauf Owen Chase qui convoitait le poste de capitaine qu'on a filé à Pollard. Par la suite, suivant les aléas du voyage, le doute naît face à l'absence de baleines au large du Canada, laisse place à l'engouement après la rencontre du capitaine espagnol en Equateur – malgré le récit apocalyptique de celui-ci, des centaines de baleines protégées par un énorme démon blanc.
L'un des trucs que j'apprécie le plus dans le cinéma, c'est quand un film est équilibré dans son montage, au point que le basculement narratif intervient au milieu du film. C'est le cas pour l'excellent L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux (j'm'en souviens parce que je l'ai vu plein de fois), mais aussi pour le présent film. Au cœur de l'océan dure deux heures, le bouleversement, la rencontre avec « Moby Dick » a lieu un peu avant l'heure. Ce qui fait que par la suite on a le droit à tout le registre de la détresse, de l'abandon, du désespoir, parfois même de la folie, parfaitement illustré par un casting vraiment talentueux, y compris Ben Whishaw qui donne bien corps à l'obsession de Melville pour cette histoire de baleine.
L'ironie c'est que la photographie jusque là assez sombre ou neutre opte, jusqu'à la fin du film, pour des tons jaunes et vert clair très lumineux, qui devraient être des couleurs chaleureuses, rassurantes, alors qu'en vrai on voit juste les personnages mourir à petit feu ^^
De fait, de bout en bout du film, Au cœur de l'océan est surtout remarquable par l'écriture de ses personnages. En un sens, ils sont assez emblématiques de l'époque – je rappelle qu'au début du XIXème la chasse à la baleine s'apprête à connaître un court mais féroce âge d'or qui se termine dans la seconde moitié du siècle avec la découverte du pétrole – dans leurs interactions sociales. C'est même un peu deux styles qui s'affrontent que met en scène le film. Owen Chase est un étranger l'île, c'est-à-dire qu'il n'appartient pas à une grande famille qui a fait la renommée de Nantucket, contrairement à George Pollard.
Tandis que l'un met en avant l'expérience et la connaissance de l'océan, des vents et des courants, le second a été élevé dans la tradition conservatrice que la navigation c'est dans le sang et que si tu es bien né, tu vas forcément réussir (haha, lol. Non parce que George Pollard a commandé deux navires et les a menés tous les deux au naufrage, l'Essex étant le premier.), ce qui se voit dans son comportement.
C'est un peu cliché, mais ça marche : direct on a ce type qui va régler les problèmes par lui-même en allant dénouer une drisse – la mise en scène est épique alors que la différence entre la réussite et l'échec c'est juste l'allure de départ du port, mais faut admettre que les mecs songent aussi aux mois de mer qui suivent – et qui d'emblée gagne la confiance et l'admiration de l'équipage. Face à lui, le capitaine persuadé que la terre ramollit les marins et qu'une bonne tempête va les endurcir, avant de péter son matériel et d'envisager le retour, mais qui du début à la fin ne cesse d'affirmer son autorité en invoquant non pas ses qualités ou ses réussites, mais son nom prestigieux et l'histoire de sa famille.
Ironiquement, alors qu'ils sont égaux face à la convoitise, Pollard est persuadé, même après le carnage de « Moby Dick » que son destin est de massacrer la baleine qui a offensé Dieu – faut voir la prière du pasteur avant le départ, on est dans une société totalement centrée sur l'humain dominant la planète – et qu'il appartient à la race suprême, alors que Chase fait preuve d'une humilité quasi-écologiste (on est en 1820 hein) plutôt déconcertante.
Dans une moindre mesure, les personnages de Nickerson, le jeune et le vieux, de Melville ou Matthew Joy incarné avec talent par Cilian Murphy, sont tout aussi justes et intéressants.
Question esthétique, Ron Howard a toujours su faire le boulot en termes de mise en scène, de graphismes et de bande-son en s'entourant de gens talentueux – le Da Vinci Code, quoi qu'on en dise par ailleurs, en demeure un parfait exemple. Bon, il est quasi-certain que le présent film a dû être tourné avec pas mal de fonds verts et en studio, parce que depuis Waterworld tourner en pleine mer c'est du sport extrême (et aussi parce que vu la pollution des océans, c'est à la limite du suicide sanitaire). Il n'empêche, les panoramas, bien qu'océaniques, sont superbes, avec des horizons bien dégagés et des lumières souvent très belles.
Les effets spéciaux liés aux cétacés sont particulièrement jolis et réalistes – je pense par exemple au moment où Nickerson est obligé d'entrer dans la tête d'un cachalot pour en extraire l'huile – et notamment lorsqu'il s'agit d'accompagner l'intrigue en mettant les animaux en avant. A plus d'une reprise la focalisation est centrée sur les yeux des cachalots, soulignant leur conscience et un lien quasi-mystique entre l'humain et la baleine (serait-ce là un film écolo ? Sûrement.) tout à fait appréciable.
D'un autre autre côté, la mise en scène sait faire place à l'action : déjà quand on voit le navire gîter (pencher sur le côté) à un point tel que les voiles baignent dans des vagues plus hautes que lui, ça fait peur. Mais par la suite, Ron Howard a su reproduire l'imagerie baleinière telle que perçue par les marins du XIXème siècle, en songeant au fait qu'ils ne chassent pas de la baleine, mais du cachalot, donc une espèce autrement plus grande et solide.
Leurs dimensions sont impressionnantes, même pour ceux qui sont de taille normale, et voir par la suite ce titan silencieux charger les humains est proprement terrifiant. Il propulse une baleinière (un canot) sans le moindre effort, bouscule lourdement l'Essex lui-même et, à l'image du fléau de Dieu qu'on est supposés imaginer, poursuit les naufragés jusque dans la désolation de leur lente agonie. Au-delà des efforts d'imagination, l'image est assez éloquente dans ce film : imaginez que vous soyez dans la cale d'un navire et paf, une tête de cachalot qui traverse la cloison. Vous mourrez de faim depuis des jours, à la dérive au milieu du Pacifique, et votre bourreau se pointe pour vous finir. Waw !
Leurs dimensions sont impressionnantes, même pour ceux qui sont de taille normale, et voir par la suite ce titan silencieux charger les humains est proprement terrifiant. Il propulse une baleinière (un canot) sans le moindre effort, bouscule lourdement l'Essex lui-même et, à l'image du fléau de Dieu qu'on est supposés imaginer, poursuit les naufragés jusque dans la désolation de leur lente agonie. Au-delà des efforts d'imagination, l'image est assez éloquente dans ce film : imaginez que vous soyez dans la cale d'un navire et paf, une tête de cachalot qui traverse la cloison. Vous mourrez de faim depuis des jours, à la dérive au milieu du Pacifique, et votre bourreau se pointe pour vous finir. Waw !
De même, les musiques distribuées de façon assez austère dans le film, illustrent également assez bien l'atmosphère dramatique et la crainte qui dominent. On n'est clairement pas dans une de ces œuvres où la musique sert de mécanisme narratif (contrairement à ce que peut faire Henry Jackman par exemple), mais ça reste quand même plutôt agréable à l'oreille.
En bref : étrange mais ô combien agréable film que celui-ci. Traitant d'histoire avec une focalisation très ciblée (la chasse à la baleine de Nouvelle-Angleterre en 1820), il est aussi la narration du fait qui a inspiré un classique de la littérature américaine, ainsi qu'un conflit de personnalités entre deux officiers. Bien interprété par un bon casting, très judicieusement monté et bénéficiant d'un soin esthétique particulier, Au cœur de l'océan est vraiment un titre peut plaire à tout le monde, même sans connaissance de la navigation. A voir !
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