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1.10.16

Peter Pan


Film américain de P.J. Hogan (2003) avec Jason Isaacs, Jeremy Sumpter, Rachel Hurd-Wood, Ludivine Sagnier, Richard Briers.
Genre : fantastique, aventure.

Londres, à la fin du XIXème siècle. George et Mary Darling forment un couple comblé : leurs trois enfants Wendy, John et Michael vivent heureux et insouciants sous l'autorité de leur chienne saint-bernard Nana, gouvernante de la maison, multipliant les jeux et les histoires d'aventure et de pirates.
Mais Wendy grandit et sa tante Milicent aspire à en faire une jeune femme digne d'un bon mariage. Ce qui déplaît au plus haut point à Peter Pan, un mystérieux garçon venu sans cesse écouter les histoires des enfants.


Il existe comme ça des histoires, issues du folklore populaire ou de mythes littéraires, qui ont tellement bien traversé les âges, qu'elles ont donné naissance à d'innombrables variations, d'une adaptation à l'autre. Ce phénomène, au cinéma, me lasse de plus en plus tant il est à la fois représentatif d'un manque clair d'imagination et d'originalité chez les décideurs d'Hollywood, et à la fois nourri par quelques histoires sans cesse remâchées sans innovation marquante. Robin des bois, le cycle arthurien, Tarzan et donc, dans le cas présent, Peter Pan.
Je ne m'intéresse plus aux œuvres tirées du livre de J.M. Barrie (que j'ai lu) depuis un bon moment, puisque j'ai découvert à l'époque de la fac ce qui me semble en être l'adaptation la plus juste et la plus pertinente.

Meilleur Peter Pan ever.

Je ne connais absolument pas le reste de l'œuvre de P.J. Hogan, mais le présent film, daté de 2003, était à l'époque, et c'était clairement revendiqué dans la communication autour de sa sortie, la seule adaptation en prises de vues réelles de la pièce originale (outre des pièces de théâtre, comédies musicales, adaptations télé, l'animé de Disney et des œuvres inspirées genre Hook). Et en fait, mis à part le rôle ambivalent de la figure paternelle (c'est-à-dire que le méchant et le père sont incarnés par le même mec, comme dans Jumanji) interprétée par Jason Isaacs (la série Harry Potter, The Patriot) et Clochette jouée par la Française Ludivine Sagnier, le casting est très méconnu parce que logiquement surtout constitué d'enfants.
Bref, tout ça pour dire que les qualités du film ne reposent pas sur une distribution prestigieuse, mais sur une interprétation juste et naturelle – on sent bien qu'il y avait une ambiance de malade sur le tournage et c'est confirmé par les bonus et notamment une incursion sur les plateaux de Jason Isaacs, caméra au poing et humour aux lèvres. Ainsi que sur une mise en scène très élaborée et volontairement accompagnée d'une débauche d'effets spéciaux qui n'ont rien à envier à Hook, la suite de Peter Pan que tout le monde a vu au début des années 90.

Et puis pour une fois on a un Peter Pan qui prend le temps de bien développer le milieu socio-familial de Wendy et ses frères, afin de bien expliquer pourquoi ils ont très envie de s'enfuir au Pays Imaginaire. Pourquoi leur disparition est pas juste un caprice du hasard.

L'histoire, c'est donc celle de la pièce, avec un narrateur externe – une narratrice en fait, on apprend son identité à la fin – et à l'occasion des regards caméra avec commentaires à destination du spectateur totalement ahurissants de la part de Monsieur Mouche x)
Wendy est en pleine croissance et, dans l'Angleterre victorienne, elle approche l'âge où elle sera promise à un époux – le film s'attarde d'ailleurs beaucoup sur cette vision conservatrice et sexiste de la femme destinée à se marier et enfanter et où elle serait incapable d'être aussi douée au sabre qu'un garçon – et elle s'échappe de sa vie réelle pour le Pays Imaginaire où, ironiquement, les problématiques se répètent. Les Enfants Perdus la considèrent comme une mère aux côtés de leur « père », Peter Pan, elle courtise peu à peu celui-ci (oui parce que l'observation nocturne et en couple de la parade nuptiale des fées suivie d'un vol en duo, c'est pas du tout une métaphore amoureuse hein >_>) et se heurte à la nature profonde du garçon qui ne grandit pas, refuse de le faire, et surtout est parfaitement inapte à l'amour.


Dans ce Pays Imaginaire magique et intemporel, les enfants perdent la mémoire et passent leur temps à vivre des aventures (qui font écho à celles que Wendy voulait vivre pour ensuite les raconter en devenant romancière), quand ils ne croisent pas les sirènes (dangereuses), les pirates (bêtes et méchants), et les Indiens (plutôt sympas et tournés vers la spiritualité).
Les jeunes acteurs débordent donc de bonne volonté et de talent, avec des répliques hilarantes et plein de petits gestes, pendant les dialogues, qui rendent leur posture plus vivante et dynamique. Wendy jouée par Rachel Hurd-Wood, la plus belle femme du monde, et Peter sont géniaux tant dans leur jeu, riche, que dans leur écriture – celui-ci est ainsi le personnage fier, arrogant et désinvolte qu'on oublie souvent au profit d'un enfant naïf, innocent et gentil.
Mais les grands stars sont évidemment Clochette, incontrôlable toon gesticulant qui enchaîne les mimiques, ainsi que Crochet, froid et calculateur (aussi expansif que George Darling est timide), mais aussi raffiné, sensible et doté d'un humour pince-sans-rire que ce bel Anglais de Jason Isaacs développe à merveille.

Honnêtement c'est les Clochette et Crochet les mieux écrits que j'ai vus au cinéma. Julia Roberts peut aller se rhabiller. La relation de Crochet et Peter dans ce film est clairement du type Joker-Batman avec une interdépendance évidente. Et puis pour une fois Clochette n'est pas le faire-valoir de Peter, elle est vraiment écrite et développée.

Le truc c'est que ce film développe un concept qui va exactement à l'inverse de Hook, l'œuvre de Peter Pan la plus connue, où le Pays Imaginaire ne se conçoit pas sans Crochet, mais où Pan peut le quitter pour vivre une vie réelle en Amérique.
Non, ici on a affaire à une vision symbiotique des personnages principaux : Clochette est jalouse de Wendy qui lui a volé son Peter, et cherche à l'éliminer. Crochet, lui, est dévasté par la présence de la jeune fille non par jalousie, mais parce qu'elle occupe la seule place disponible dans le cœur du jeune homme (qui, faut le rappeler, n'a jamais été amoureux de sa fée), place qui était dévolue à Crochet jusque là. Et Peter Pan est révélé comme indispensable au Pays Imaginaire au point que l'hiver y règne en son absence, et que les éléments se déchaînent lorsque son moral plonge.

Ma Clochette préférée non seulement à cause de
son interprétation, mais également de son écriture très riche.
Et puis, faut être lucide, elle est super drôle et canon *_*
La mise en scène est, je l'ai dit, une débauche visuelle. Clochette est incarnée par une véritable actrice qu'il a fallu filmer, réduire et parfois mélanger à des images de synthèse, avec de la poussière de fée et un savant jeu de lumières. Outre la jungle verdoyante et l'infinité d'astres, dans un espace plus étoilé que jamais, qui accompagne le premier vol vers le Pays Imaginaire, le ciel est perpétuellement d'un bleu limpide, constellé de gros nuages roses et éclairé par une lumière étincelante.

Trois minutes parmi les plus magnifiques du film. Même à Londres le ciel est ahurissant. Et puis l'espace tel qu'il n'existera jamais, Clochette qui virevolte, et enfin cette apparition sublime qui ressemble à une peinture mise en mouvement. WAW.

Histoire de souligner la composition organique de l'ensemble des actions, l'éclairage vire au rouge vif durant le gros affrontement à la fin, et au bleu sombre quand, encore une fois, l'ambiance devient lugubre. D'ailleurs en parlant de sinistre, le perroquet de Monsieur Mouche est terrifiant, mais ce n'est rien face au crocodile. Le film est voulu résolument réaliste, du coup une partie des décors est construite en studio – la frégate de Crochet, certains arbres et surtout une forteresse marine en ruine dans laquelle le crocodile est révélé en entier pour la première fois, gigantesque et lourde bête d'écaille qui terrifie invariablement tous les personnages.


La musique est d'ailleurs à l'égal de cette image magnifique. L'universalisme des thèmes abordés (qui, du coup, ne s'arrêtent pas aux portes du Pays Imaginaire) est rappelée par l'inclusion de scènes londoniennes, notamment lors d'une belle séquence centrée sur Clochette. Les thèmes musicaux sont peu nombreux mais collent parfaitement à l'atmosphère fantastique et même féerique qui plane sur Peter Pan – le thème de la parade nuptiale des fées est particulièrement magnifique, chargé en émotion. La mélodie principale, celle du vol, connaît plusieurs variations : elle est grandiose lors de l'arrivée au Pays Imaginaire, intimiste lorsque Wendy et Peter évoquent pour la première fois les sentiments ou après le retour à Londres, et mélancolique lors de la disparition de Peter.

Comme c'est souvent le cas, un morceau qui mixe bizarrement plein de pièces de la BO, et qui du coup résume parfaitement celle-ci. C'est joli de bout en bout, n'hésitez pas \o/

En bref : le Peter Pan de 2003 est une œuvre magnifique qui retranscrit à merveille l'essence à la fois visuelle et narrative de l'histoire de J.M. Barrie. Ses enjeux et ses thèmes – le passage de l'enfance à l'adulte, l'étrangeté du personnage de Peter, les sentiments... – sont très intéressants et fort justement mis en scène. Ajoutez à ça une esthétique colorée et foisonnante qui varie souvent d'une partie à l'autre du Pays Imaginaire et vous avez là non seulement un excellent film pour enfants et adultes, mais aussi et surtout un Peter Pan qui rend toute autre adaptation parfaitement superflue.

1 commentaire:

  1. Un excellent film et d'excellents acteurs sans aucun doutes.
    Mais bien que fort éloigné de leurs personnages originaux, je ne peux m'empêcher de penser que les interprétations et acteurs choisis pour crochet et Pan sont tout bonnement parmis les meilleurs.
    Mais au cinéma, c'est clair que Peter Pan de 2003 est à ce jour la meilleure adaptation à mon goût. Le "Pan" avec Hugh Jackman est plus axé sur les prouesses visuelles que sur un scénario véritablement solide :/

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