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29.9.12

Vespasien, premier empereur des Flaviens

Buste de l'empereur Vespasien, qui a régné de 69 à 79 après Jésus-Christ. Musée du Louvre, Paris.



Général et guerre civile.

Historiquement, on sait peu de chose de Vespasien. Ou en tout cas, avant qu'il fasse parler de lui en 69 après Jésus-Christ. Theodore Roosevelt a dit un jour que certains hommes naissent avec la grandeur, et que d'autres doivent la choper au vol (OUI, c'était un film, et alors ? ^^ ça change pas la véracité du propos !). Et bah Vespasien est de ceux sur qui la grandeur est tombée un beau jour sur le coin du bec (cf Chicken Little (visez les méga-références XD)).
Mais ça va, on a quand même des infos sur lui hein, par trois sources principales : Fabius Josèphe, un auteur juif, Tacite, le latin bien connu, et Suétone, qui en dépit d'imprécisions chronologiques, lui consacre un écrit, la Vie de Vespasien.

On sait déjà qu'il est né en 9 après Jésus-Christ sous le nom de Titus Flavius Vespasianus (ce qui explique qu'il soit le fondateur de la courte lignée des Flaviens), hors de la domus augusta, la famille impériale de la première dynastie (Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron) et qu'il a mené une brillante carrière militaire. Doté du droit de laticlave, celui de l'ordre sénatorial, par Tibère, il est légat de Bretagne sous Claude, lors de l'invasion de l'île, consul suffect (c'est-à-dire consul un peu inférieur au consulat normal) en 51 puis proconsul de la province d'Afrique.
D'ailleurs, il est rappelé par Néron en 68, pour aller mater une révolte juive, ce qui le met à la tête de la plus grande concentration de troupes de tout l'empire romain : 3 légions et leurs auxiliaires, c'est à dire à peu près 25 000 hommes, plusieurs détachements de légions venus du Danube, et encore des troupes auxiliaires. On rigole pas avec les juifs, déjà à l'époque.
Et pourtant, bizarrement, Vespasien n'a jamais vraiment cherché le pouvoir. Comme Harry Potter, c'est plutôt le genre de mec autour duquel on se réunit en cas de problème, alors qu'il a rien demandé. Mais vous connaissez l'adage dumbledorien, « le manteau du pouvoir ne sied jamais davantage qu'à ceux qui le revêtent dans la plus grande nécessité, avant de se rendre compte qu'ils portent très bien ».Ça tombe bien, il y a nécessité, alors que le règne de Néron devient plus sanglant que jamais, dans l'entourage du prince : l'empire entre dans une nouvelle phase de guerre civile.

Néron n'était pas apprécié du Sénat, pas plus que du milieu politique et assez peu de l'armée. Déjà, c'était un philellène, qui passait du temps en Grèce et portait la barbe, au contraire de la tradition romaine.

Là je m'éloigne un peu de notre Vespasien, parce qu'il fait pas grand-chose d'intéressant à part casser du juif, et je vous explique comment les événements se sont précipités. Néron, que l'on qualifie généralement comme un empereur monstrueux et haï du Sénat, est en fait victime des circonstances de son temps, à l'époque où la quête du pouvoir ne cesse de susciter des affrontements violents autour du prince. Les héritiers mourant généralement bien avant de pouvoir monter sur le trône, l'assassinat politique était devenu, outre le meilleur moyen de rester en vie, la seule méthode efficace pour tracer la succession impériale, au point que la mère de l'empereur elle-même, Agrippine, ne tente plusieurs fois de le tuer.
Bref, dans les sphères politiques de Rome, on commençait à moins l'aimer, Néron, d'autant que la plupart des gens le disaient fou, et il advient en 66-67, alors que le prince est en Grèce pour se reposer, que le gouverneur de Gaule Lyonnaise, Julius Vindex, se révolte et appelle au soulèvement les gouverneurs du Rhin, Verginius Rufus, et d'Hispanie, Servus Sulpicius Galba.
Pour info, sur les trois provinces, la Gaule Lyonnaise est la seule à l'époque qui ne possède aucune légion, étant donné qu'elle est 1. publique (gérée par le Sénat et non par le Prince ou un de ses émissaires), et 2. conquise et pacifiée depuis très longtemps (bon, l'Hispanie aussi, mais celle-là a toujours eu un statut particulier à cause des rebelles qui y pullulent).
Donc on peut se demander si Vindex a pensé à allumer ses neurones avant de lancer une rébellion sans disposer d'une armée...

L'empire romain un siècle plus tard (les provinces étaient les mêmes qu'en 68/69 à une près), histoire que vous ayez une idée des distances à parcourir jusqu'à l'Italie depuis l'Egypte, la Syrie, le Danube (vraisemblablement la Pannonie, en bleu et vert au nord-est de l'Italie) et le Rhin (les deux Germanies sont en bleu et vert aussi). Comme quoi, les prétendants à l'empire avaient de l'ambition (et de la route pour devenir princes ^^). On voit aussi bien la division entre les 4 Gaules : Narbonnaise, Aquitaine, Lyonnaise et Belgique.

Toujours est-il que Galba, menacé d'assassinat (on sait ni par qui ni pourquoi) se révolte à son tour et se proclame empereur, inaugurant lui tout seul l'année des 4 empereurs, et la guerre civile. Rufus (sur le Rhin) reste loyal à Néron et est chargé d'éliminer Vindex, pendant que le préfet du prétoire (chef de la garde personnelle impériale) Nymphidius Salbinus se rallie à Galba. Coup dur pour Néron, qui perd là son escorte personnelle (et prendra la fuite le 9 juin 68 avant de se suicider près de Rome), mais l'histoire nous enseigne au passage (contre mauvaise fortune bon cœur !) que les prétoriens ont un impact politique certain : une vérité qui ne fera que se confirmer dans la suite de l'histoire romaine.
Bref, pas reconnaissant pour un sou sesterce, Galba fait assassiner Salbinus (il voulait pas partager ses lauriers tous neufs) et refuse de donner aux prétoriens la solde qui devrait récompenser leur félonie retournement de toge prise de position politique. Non non, Galba n'est pas un généreux mécène, il a le sens des affaires, ses soldats, il les recrute, il les achète pas.
Bon, il parvient quand même à éliminer Rufus (qui en a vraisemblablement fait de même avec Vindex) et choisit comme héritier Salvius Othon, de Lusitanie (l'actuel Portugal), parce que faut pas déconner, dans une guerre civile, prépare-toi à l'au-delà et couvre tes arrières, on sait jamais quand la Grande Faucheuse viendra te faire la bise.
Et c'est là que Galba fait sa seconde erreur (la première étant de pas avoir récompensé les prétoriens) car Othon fricote avec la femme de son nouveau maître, Poppée, ce qui le fait désavouer par Galba, et décide de payer les prétoriens, ces bougres armés jusqu'aux dents qui sont à l'armée romaine ce que les janissaires sont à l'armée ottomane (la crème de la crème) et aidé de ce nouveau bras armé, fait tuer Galba et son nouvel héritier désigné, Piso. Ah ouais, direct. Rancunier, le mec !

Buste d'Aulus Vitellius Germanicus, connu comme Vitellius, grand ennemi de Vespasien dans la guerre civile, damnation memoriae. Musée du Capitole, Rome.

Pendant ce temps en Germanie (ou dans la province de Germanie, qui ne représente qu'une toute petite partie du pays connu sous le nom de Germanie Profonde, et évacué par Auguste après le désastre de Teutobourg en 9 après JC), le gouverneur local, Aulus Vitellius Germanicus, est acclamé par ses troupes le 1er janvier 69, c'est-à-dire le même jour qu'Othon, et les deux armées s'affrontent le 14 avril, bataille perdue par Othon qui se suicide. Ça évite à l'histoire romaine d'avoir un empereur au nom si naze.
Mais enfin, en gros, la crise de succession de 68/69, on peut résumer ça assez simplement, c'est les chaises musicales, chaque prétendant est un magistrat romain avec une longue carrière, et chacun devient favori à la toge impériale après avoir tué le précédent. Toujours en train de démolir du sémite en Judée, Vespasien s'était rallié à Galba et Othon, mais pas à Vitellius, dont il n'aime pas beaucoup les procédés, comme retenir en otages des fils de généraux (dont son propre cadet, Domitien), pour s'assurer leur fidélité. Tiberius Julius Alexander, gouverneur de la province d’Égypte, l'un des greniers à blé de l'empire, et à la tête de 2 légions, acclame alors Vespasien, avant que les généraux de Syrie, Muccionus, et du Danube, Antonius Primus, n'en fassent de même. Vespasien a alors à sa disposition trois immenses armées, celles du Danube, de Syrie, et de Judée. Muccionus, qui est décidément très loyal, décide alors de marcher sur Rome, à la mi-juillet (autant dire qu'il est pas rendu, vu la distance avec le Moyen-Orient), mais est précédé, forcément, les lois de la géographie obligent, par Antonius Primus.

Le 24-25 octobre 69, celui-ci défait Vitellius à Bedriacum (Italie du nord), et fait son entrée à Rome le 20 décembre, où est alors livrée une bataille de rues qui fait de nombreux morts, dont Titus Flavius Sabinus, Préfet de la Ville et frère de Vespasien (j'en connais un qui va bouillonner de vengeance), puis Vitellius lui-même, ça lui apprendra à tuer le frère de l'empereur. Et histoire d'être bien synchros, c'est à ce moment que Muccionus arrive avec son armée. De son côté, Vespasien est toujours en train de mater une révolte, et gouverne donc par l'intermédiaire de Muccionus et de son cadet, Domitien, maintenant libre, et prêteur urbain (magistrat de la ville donc) à 19 ans, la classe.
Muccionus est donc temporairement le maître de la capitale, qu'il dirige dans plusieurs grands domaines, parmi lesquels la marginalisation d'Antonius Primus (apparemment il devait pas apprécier la concurrence, et puis moins y'a de gens à récompenser au retour de l'empereur, plus grande est la récompense), l'élimination des derniers vitelliens, la reformation de la garde prétorienne maintenant unie à la garde personnelle de Vitellius, ce qui monte ses effectifs à 16 cohortes (mais ils retomberont à 9 en 76), le rétablissement des victimes de Néron, ainsi que la concorde entre ses partisans et ses opposants, et enfin la réhabilitation d'Othon et Galba, avec en prime un bon gros Damnatio Memoriae pour Vitellius !!
Autant dire que de nos jours, une monnaie de Vitellius, de Galba ou d'Othon, c'est d'une rareté ahurissante, les mecs ils ont été empereurs quelques mois chacun !


Et bah tu vas rire mais ils ont même eu le temps de battre monnaie, les bougres ! Dans l'ordre, aurei (monnaies d'or) de Galba, puis d'Othon et sesterce (en argent) de Vitellius. Puisque que c'est un homme de guerre, Vitellius fait figurer à son revers l'image de Mars Victor, le dieu de la guerre protecteur de Rome et son attribution victorieuse (il existe aussi un Mars Vengeur).


Vespasien, empereur du renouveau.

De son côté, le nouveau prince laisse la gestion de ses affaires à son fils aîné Titus et, si son règne commence officiellement le 1er janvier 69, rentre à Rome l'année suivante. Reconnu par le Sénat, il reçoit de celui-ci l'intégralité des pouvoirs impériaux d'un seul coup (nécessité fait loi aparemment) par la, justement, Lex Imperio Vespasiani.
A l'instar des empereurs dont l'avènement est fragile (parce qu'il n'est pas lié par le sang au précédent, ou parce qu'il est issu de l'armée) Vespasien tente d'affirmer son pouvoir en usant beaucoup de la censure (le pouvoir des censeurs de modifier l'album sénatorial, c'est à dire le contenu du Sénat, pour y intégrer ses partisans) et règne avec son fils Titus, rentré de Judée. Notons au passage que cet empereur est tout particulier dans l'histoire romaine, puisqu'il est le premier issu de l'armée, mais pas le dernier, loin de là, et qu'il est le second (après Claude) à avoir eu un avènement assez fragile pour nécessiter des coups de force dès le début de son règne (et là encore, il ne sera pas le dernier).

Reconstituant le nombre de sénateurs et patriciens décimés par Néron et la guerre civile, il use donc abondamment de l'adlectio (on parle en français d'adlection et de sénateur adlecté) en faisant la promotion instantanée d'hommes utiles, sans que ceux-ci aient besoin préalablement d'effectuer les longues et nombreuses magistratures nécessaires à un rang social élevé : décidément, Vespasien aime bien inaugurer des pratiques nouvelles en usant de pouvoirs impériaux dormants jusque là. On constate d'ailleurs une coloration personnelle du pouvoir, à l'instar du modèle augustéen qu'il s'efforce de reproduire, par la nomination au consulat annuelle dont il fait l'objet, l'association de Titus au pouvoir (il est alors Préfet du prétoire, chef de la garde personnelle impériale) et la mise en valeur d'une vie austère et simple, qui s'explique par sa carrière militaire.
C'est bien connu, un soldat se contente de peu, n'aime ni le luxe, ni le foisonnement, et n'a besoin que d'un idéal et les moyens de le défendre.

Hé oui, le Colisée, c'est à Vespasien qu'on le doit ! Pragmatique, il a fait peu de grosses dépenses, mais les a faites pour satisfaire le peuple !

C'est d'ailleurs pour cette raison que le nouveau prince fait détruire une partie des constructions de Néron, à commencer par une luxueuse salle de réception privée, qui avait la particularité d'être ronde et tournante, pour y jeter les bases d'un amphithéâtre en pierre (on en avait marre de voir régulièrement les lieux de culture flamber chaque fois que la surveillance des autorités se relâchait), une construction pharaonique et démesurée qu'on appellera plus tard le Colisée. Abandonnant la construction du Palais de Néron, il agrandit aussi les limites du Pomerium, l'espace de la ville.
Par la suite, Vespasien a affermi et embelli l'état, multipliant les actions dans le domaine des finances (on lui doit la création d'un impôt sur les latrines qui a inspiré l'adage « l'argent n'a pas d'odeur »), étendant le droit latin en Espagne, le territoire impérial en Bretagne, et affirme de façon nette le principe de succession dynastique (qui n'était jusque là qu'un choix par défaut) : son fils Titus, de 12 ans plus vieux que Domitien, est 7 fois consul, obtient la puissance tribunicienne (le seul pouvoir qui ne soit pas inférieur au consulat) en 73, et succède sans problème à son père.

Décédé en 79 après JC après seulement dix ans de règne, Vespasien a cependant été divinisé, sur le modèle des empereurs précédents, et a laissé le souvenir d'un empereur austère à qui Rome dut son redressement économique et moral, la solidité de son pouvoir impérial, mais également les traditions plusieurs fois éprouvées par la suite d'une Cohorte prétorienne qui s'implique dans la succession impériale (en tuant ou en ne protégeant pas divers prétendants au trône) et d'un empereur issu de l'armée plutôt que des sphères politiques.

Statue de l'empereur Titus conservée au Louvre à Paris. Fils de Vespasien, il a régné de 79 à 81 avant son frère Domitien (81-96).

Histoire abrégée de la ville de Pompéi

Aujourd'hui mes amis, drame et catastrophe naturelle, ou quand le destin s'acharne sur une pauvre cité innocente avec la férocité du gamoul ! Grandeur et décadence dans l'empire romain, mais pour la décadence il va falloir repasser, parce qu'on va juste causer de Pompéi, une ville qui rayonnait et qui brillait très fort, au point qu'elle a fini par brûler ! (mais ça c'est la faute au voisin, il s'est fâché tout rouge et a craché de la cendre partout)

Notre histoire commence bien avant les précédents de l'histoire romaine (Jules César et Auguste pour ceux qui ont pas lu). Loin, loin dans le temps, quand Rome était juste assez développée pour menacer les pigeons qui menaçaient les récoltes, plus au sud, de nombreuses villes fleurissaient déjà. La faute à qui ? Eh bien pour commencer aux peuples originels de l'Italie, qui étaient là avant les Romains, qui sont eux-mêmes venus par la mer. La légende dit qu'ils sont partis de Troie, mais toutes les grandes villes aiment se la péter avec des origines grandioses (par exemple Carthage qui disait qu'elle était issue des brillants marins/commerçants de Phénicie, sauf que là c'est avéré (bref)).

la situation de la Campanie en Italie et de Pompéi par rapport à Rome, et à droite les peuples originels de l'Italie vers 1100 avant JC, début de l'âge de fer

La mer, justement, c'est de là que viennent les habitants les plus développés du sud de l'Italie. Si vous observez les petites cartes qui gisent sous vos yeux, vous verrez la position de Pompéi en Italie, et vous constaterez que les peuples originels de l'Italie sont nombreux, et qu'au sud, ils sont rejoints par des intrus venus de l'autre côté de l'Adriatique, les Grecs. Parce qu'à l'époque où Rome était encore petite, les Grecs n'avaient pas entamé leur déclin, et ils possédaient des colonies dans ce qu'on appelle la Grande Grèce, à savoir l'Italie du sud, réputée pour la fertilité de ses terres.
Bref, intro géographique terminée :)

Or donc, aux environs des VIIème et VIème siècles avant Jésus-Christ, les osques dominent plus ou moins le sud de l'Italie et regroupent cinq villages en une ville qu'ils nomment Pompéi. Parce qu'apparemment, dans leur langue, pompaios signifie cinq. Pratique. Manque de pot, la ville est une étape importante sur la route du nord de l'Italie (ou du sud si on va dans l'autre sens) et elle est rapidement convoitée par les Grecs de Cumes, qui la détiennent entre 525 et 474. Puis elle est prise par les Étrusques, un peuple très important d'Italie ancienne, étant donné qu'il sera le grand rival de la jeune Rome, ainsi que la base de sa culture et de sa puissance originelles.
Bref, pour le moment les Étrusques sont surtout occupés à taper sur des Grecs, puisque les Romains ne sont pas encore une menace réelle. Notons qu'à la même époque, les Perses tapent aussi sur les Grecs, mais de l'autre côté de la Méditerranée. Ça explique peut-être en partie pourquoi les Hellènes ont reculé si vite, bien fait pour eux. Toujours est-il que des fouilles archéologiques ont mis au jour des vestiges étrusques qui témoignent de la véracité de la présence nordique à Pompéi. Tout ça nous amène ensuite au milieu du IVème siècle, une petite centaine d'années plus tard, moment où les Étrusques subissent une défaite navale face aux Syracusiens et aux Cumiens (des Grecs et des Grecs donc). Ah bah oui, sur la mer, à l'époque, on peut difficilement lutter contre les Grecs, leurs rivaux auraient dû penser à ça avant d'en prendre plein la tronche.

les Étrusques sont certes un peuple du nord de l'Italie, mais leur domination de la péninsule au VIème siècle avant JC était manifeste, et leurs seuls rivaux de l'époque étaient les Grecs.

Parallèlement, à l'échelle de la seule ville, l'agriculture et la viticulture, notamment, se développent, rendant la ville très importante en Campanie, source riche de ressources alimentaires et économiques qui expliquent bien l'acharnement des conquérants divers (et aussi ceux d'été) à garder Pompéi.
Qui, bien qu'installée sur un volcan, profite du fait que celui-ci soit éteint, parce que c'est bien connu, les terres volcaniques sont très fertiles.
Un peu plus tard, pendant que les Étrusques se faisaient marcher dessus par des envahisseurs du nord-ouest, j'ai nommé les Celtes, et pendant que les Grecs étaient trop occupés à se bouffer entre eux après la mort de leur plus grand roi, déchirant un empire en nombreux états rivaux (dans le genre versatile, si vous trouvez pire que les Grecs dans l'Histoire, je vous salue bien bas !), quelqu'un se frotte les mains en Italie. Et ce quelqu'un, c'est les Romains, qui s'étendent peu à peu. Apparemment, trucider leur dernier roi, un certain Tarquin le Superbe, ça leur a donné du cœur au ventre, et la toute jeune république agrandit son domaine en commençant par la côte occidentale de l'Italie.

Pompéi se trouvant forcément sur son chemin à un moment, elle décide de lui laisser son autonomie, notamment ses institutions, faisant de la ville une cité-cliente, disons, ainsi que l'habitude de l'époque le voulait. Un genre d'allié un peu soumis, qui n'a pas les droits politiques romains, mais qui bénéficie quand même d'un statut privilégié, parce qu'on ne soumet pas les pompéiens comme ça, sans déconner, c'est une ville riche et développée qu'on a là, allons !
D'ailleurs, si vous voulez mon avis, c'est aussi ce qu'à dû se dire un étranger à propos de Rome, vu l'acharnement qu'il a mis à la couler. L'étranger, il s'appelle Hannibal, général et homme politique carthaginois de son état. Carthage qui déclenche via Hannibal la seconde guerre punique, pour se venger de la première où Rome lui en a mis plein la tronche, lui prenant la Corse, la Sardaigne, la Sicile et la domination navale en Méditerranée occidentale. Mais Hannibal est surtout connu comme celui qui a terrassé Rome en traversant les Alpes avec toute son armée, et notamment des éléphants (ça fait peur un éléphant en armure, imaginez la tronche des romains quand ils ont vu débouler ces trucs), en allant jusqu'au sud de l'Italie (où il a fini par être coincé entre les Romains et la mer, mais ceci est une autre histoire).

Carte de la répartition des peuples en Italie vers 300 avant J.-C. Du nord au sud, les Celtes d'Italie (en kaki), les Étrusques (en rose) et divers peuples italiques (en bleu), les Romains (jaune moutarde), les Samnites (vert bouteille), les Messapes et Apuliens (en orange), divers peuples italiques (vert vif), les Grecs et les Carthaginois (jaune et violet).
 
Dans notre propos, l'important, c'est que Pompéi ne cède pas aux vils appels de la tentation carthaginoise, et reste fidèle à Rome. Bien lui en prit étant donnée la manière dont la guerre s'est achevée (le coup d'arrêt le plus définitif porté à la puissante Carthage), d'autant que les Romains, fidèles à eux-mêmes, ont sévèrement sanctionné les cités, majoritairement des Samnites, qui lui ont fait défaut pendant la guerre.
Mais pas sanctionné genre "on vous met un avertissement et croyez-moi si vous recommencez vous le paierez cher !!", non non, c'est plus une sanction du genre "chopez moi tous les parlementaires, clouez-les sur des croix, installez des colons romains dans toute la ville, et rasez-moi cette putain d'assemblée, maintenant ici c'est SPQR, par Jupiter !". Bref les Pompéiens ont dû souffler pendant un moment en se disant qu'ils avaient eu raison de miser sur le bon cheval.

Manque de pot, à l'époque, on a la mémoire courte. La faute à l'histoire, qui n'occupe pas vraiment une place centrale dans les esprits. Que voulez-vous, on peut pas se tataner et étudier en même temps. Rome passe son temps à améliorer son armée et ses terres, notamment en Espagne et en Afrique, sur le dos de ces bons vieux Carthaginois, mais aussi en Grèce, et en oublie ses voisins les plus proches. Lesquels se révoltent à la fin du second siècle avant JC pour obtenir de meilleurs avantages sur les nouveaux conquis. Disons-le clairement : ils veulent la citoyenneté romaine. Et Rome la leur refuse, parce que ce serait les exonérer de certains impôts, sans parler de leur donner des droits politiques, mais où va le monde si les Italiens ont le droit de parole au Sénat !
Du coup, on en vient rapidement à la guerre ouverte, qui commence avec les Italiens au nord de Rome, et s'étend au sud chez les Samnites, dans ce qu'on nomme la Guerre Sociale. Et évidemment, Pompéi, riche et prospère, décide de rallier les révoltés pour faire valoir ses droits de devenir romaine. La capitale n'aime pas la trahison. Mais vraiment pas. Elle charge carrément Sylla (un général, pas le fléau maritime des grecs) d'aller botter des culs samnites, qui prend rapidement les villes insoumises en 90 avant JC. Et dix ans plus tard, il achève son œuvre en transformant Pompéi en Colonia Cornelia Veneria Pompeianorum, une colonie totalement soumise à Rome et peuplée de romains pur souche, importés de la capitale.

"Eh oh, vous allez quand même pas m'oublier hein ?!?"

Après ça, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, la guerre est devenu un truc lointain qui ne touche que très indirectement la cité, de temps en temps en envoyant quelques jeunes citoyens à l'armée (bah voilà, ils voulaient la citoyenneté romaine, ils l'ont eue, même si pour ça ils en ont pris plein la mouille !), ce qui permet à Pompéi de rayonner à l'échelle de toute l'Italie. Souvenez-vous, cette feignasse de volcan dort tout le temps. D'ailleurs j'ai lu que les versions diffèrent même : selon certains écrits, les pompéiens le prenaient pour une gentille petite montagne silencieuse, selon d'autres, ils savaient que c'était un vecteur potentiel de cataclysme et de fin du monde, mais que pour l'instant il avait mieux à faire...
Toujours est-il que le fait est là : le Vésuve ne déteste pas assez les pompéiens pour leur cracher à la gueule, quand bien même ils installent leurs champs sur ses versants. Pompéi profite de la proximité du port de Pouzzoles (notez bien ce nom, j'en reparlerai plus tard) pour exporter ses productions agricoles et viticoles pour faire profiter tous ces alcooliques d'impériaux du bon vin italien.

Tout aurait pu se dérouler aussi bien jusqu'à la fin des temps, mais en 62 après Jésus-Christ, Pompéi et certaines de ses ptites voisines sont endommagées par un tremblement de terre. On pensait que la fin du monde viendrait d'en haut, éruption volcanique, pluie de météroïtes, extraterrestres et tout l'toutim, et bah non, c'est la terre qui se fâche. Du coup, on essaie de reconstruire, mais c'est lent, c'est cher, et ça fait peur, imaginez que les éléments ont monté un complot pour nous en mettre plein la mouille, on aura l'air fin avec une éruption sur les bras !
Bah les gars vous croyez pas si bien dire. Tout n'est pas encore reconstruit quand, en 70, la terre refait des siennes, la bougresse. Elle a compté deux ou trois survivants au milieu des hébétés qui ont perdu le goût de vivre, et elle décide de finir ce qu'elle a commencé. Suivant ses instructions, son allié d'au-dessus du sol décide de péter un coup en 79, peut-être il se contenait depuis des siècles pour son grand chef-d’œuvre, ou alors y'avait vraiment un complot tellurique, on saura jamais.

carte de la région de Pompéi qui montre de quelle manière s'est déployé le nuage de cendres volcaniques, engloutissant Herculanum le jour même de son éruption et Pompéi le lendemain.

Ce qu'on sait, c'est qu'Herculanum est la première à y passer, que Pompéi la suit d'un jour, que tout ça se passe, vraisemblablement fin août 79 (les enfants ont eu du bol, ils ont échappé à la rentrée des classes cette année là !), et que tout le monde a été joliment momifié mais sans les bandelettes et les organes dans des vases, plutôt avec des cendres, alors on va dire que tout le monde a été cendrifié, au point qu'on les a retrouvés pendant la Renaissance à peu près dans la posture où ils étaient quand les cendres leur sont tombées sur le poil (l'histoire ne dit pas combien ont été surpris aux toilettes).
Ce qui fait qu'aujourd'hui, Pompéi a été mise au jour à peu près entièrement, et que tout le monde se rappelle à quelle point elle était belle avant de flamber. Cela dit, elle a pas connu la chute de l'empire romain, elle.

Auguste, le premier empereur romain

Contrairement à l'homme qui lui vaudra d'être important et célèbre, la famille du petit Caius Octavius, né le 23 septembre 63 avant Jésus-Christ, est plutôt bas de gamme. Son arrière grand-père, son grand-père et son père ont été serviteurs de l'Empire (Papi Octave a même été questeur, donc il a fait partie de la classe sénatoriale), mais toute la famille Octave est de rang équestre. Les Chevaliers, à Rome, c'est un peu comme les bourgeois sous l'Ancien Régime : métiers moyens, richesse moyenne, mais ils aspirent à faire de la politique. Son père sert la cité en Macédoine (Grèce du Nord), mais meurt lorsque son fils a 4 ans, en 59 avant JC-le-religieux.
Coup de chance, Papa Octave avait épousé Atia Balba, la fameuse Atia des Julii dans l'excellente série Rome, qui était vachement plus vertueuse dans la réalité et qui a à peine survécu à son oncle, alors qu'à la télé elle survit au moins jusqu'au triomphe de son fils en -31. Mais ne brûlons pas les étapes.
Tu peux cliquer pour voir l'image en taille réelle. Désolé si c'est un peu petit.

Disons que César, malgré sa réputation et ses trois mariages, n'a à la fin de la Guerre des Gaules qu'un seul enfant, Julie, qui vient juste de mourir en mettant fin à l'alliance de son père avec son mari, Pompée. Ouais, grosse ambiance dans la famille, le beau-père et le gendre c'est les deux meneurs de la guerre civile. Mais pas dans l'même camp.
Du coup, pour compenser, en bon Romain, César tape dans le mâle le plus proche, son petit-neveu Octave. Brutus, c'est le fils de sa maîtresse, mais ils partagent pas de sang. Enfin jusqu'à un certain attentat... ok lol c'était pas drôle. Puis c'est César qu'on tape, à plusieurs reprises et à coups de poignards, aux ides de mars -44.
Parce que César était dictateur à vie élu par le Sénat (même si c'est lui qu'avait placé la majorité des sénateurs), il n'y a pas de débat comme dans Rome, on accepte son héritage et son testament sans discuter. L'ennui c'est que le testament en question fait d'Octave son fils adoptif. Et à Rome on rigole pas avec l'adoption : Gaius Octavius devient Caius Julius Caesar Octavianus, dit Octavien.

M. Tullius Cicero
(106-43 av. JC.),
auteur, philosophe et
homme d'état romain.
Manque de pot, l'arrivée de ce jeune freluquet dans le monde âpre de la politique déplaît à un certain Marc-Antoine, général et bras droit de JC-le-militaire, qui espérait récolter les fruits du travail de son chef adoré et qui fait donc sécession avec les armées qui sont fidèles à son nom et celui de César. Autre résultat, Cicéron, le célèbre auteur et orateur (à gauche), est forcé d'offrir à Octavien des pouvoirs bien supérieurs à ce qu'il devrait obtenir, pour contrer Marc-Antoine. Il a dit à ce moment un truc genre "le talent n'attend pas le nombre des années."
Genre le gosse il est à peine majeur, il a pas encore commencé son cursus honorum et il reçoit une armée. Note que c'est là le début d'une longue carrière de manipulation politique absolument exemplaire. Retiens bien c'que j'te dis : l'ascension politique d'Octavien est celle d'un stratège calculateur de haut niveau qui réduirait nos politiciens à de vulgaires comploteurs. En 43, Marc-Antoine, Octavien et leurs armées s'affrontent donc à Modène, en Italie, et Octavien non seulement défait son adversaire, mais survit également aux deux consuls de l'année, Hirtius et Pansa. Pas con le mec, il est le seul à récolter les lauriers.

Pas très cons, Marc-Antoine et Lépide, ancien maître de cavalerie de César, qui ont tous les deux été déclarés ennemis publics par le Sénat, proposent à Octavien une alliance. Les trois hommes constituent donc le Second Triumvirat avec une quête principale et une quête secondaire. Dans l'ordre : massacrer les assassins de César, M. Junius Brutus et C. Cassius Longinus, puis renforcer la nouvelle mode des généraux de prendre le pouvoir politique sur ces connards de sénateurs. Les principaux chefs de la république sont donc rapidement assassinés, à commencer par Cicéron (pas reconnaissant pour un sou, l'Octavien). Les proscriptions et les exécutions sommaires se multiplient, principalement parmi les chevaliers et les opposants à Jules César et les participants directs ou indirects à son assassinat.
Une fois que Rome est entièrement entre leurs mains, les triumvirs se tournent vers l'Orient et écrasent Brutus et Cassius en 42 avant JC-le-religieux, lors de la bataille de Philippes en Grèce (enfin les vilains se suicident après leur défaite, pour être exact). Cette même année, la comète qui a traversé le ciel en 44, à la confirmation d'adoption de César, est définitivement considérée comme le grand homme rejoignant les dieux, et Octavien devient alors Caius Julius Caesar Divi Filius, ou César le Jeune, fils du divinisé.
Petite anecdote à ce sujet : contrairement au latin, en grec, y'a qu'un seul et unique mot pour désigner tout ce qui est de l'ordre du divin : theos/thea. Dieu ou déesse. Donc dans la partie hellénophone de l'empire, Octavien est fils d'un dieu qui est l'égal de Zeus, d'Athéna ou de Poséidon, y'a pas la gradation divine des Romains. Avoue que pour un Jules César c'est la classe.


En violet, les possessions d'Octavien, en marron, celles de Lépide, en vert celles de Marc-Antoine. L'Italie sénatoriale est en orange, les états-clients en jaune orangé, l'Egypte en rose saumon et l'empire parthe (dont on se contrefout ici) en rouge. En bleu-violet, Sextus Pompée le chieur.

En 39 avant JC-le-religieux, la seconde phase de la guerre civile étant terminée après la mort des meurtriers de Jules César, les triumvirs, qui contrôlent depuis un an l'Occident pour César le Jeune, l'Orient pour Marc-Antoine, et l'Afrique pour Lépide, sont confrontés à un nouveau problème. Celui-ci porte un nom évocateur : Sextus Pompée, fils de Pompée le Grand, et maître des îles d'Italie (Corse, Sardaigne, Sicile).
Sextus Pompée bloque les arrivages de blé qui transitent par les îles et comme la famine, ça emmerde tout le monde Octavien et Lépide envoient leurs troupes sur place. Ce dernier essaie de prendre les îles pour les ajouter son tiers d'empire (après tout, Octavien contrôle les Gaules et l'Espagne), mais ses troupes l'abandonnent au profit du jeune César et le triumvirat devient un duumvirat. Attation, Lépide n'est pas tué hein. Bah non, attends, il est Grand Pontife, sa vie est sacrée, faut pas offenser les dieux ! C'est d'ailleurs pour cette raison qu'Octavien attendra 24 ans pour prendre le titre de Grand Pontife, le temps qu'il faudra à Lépide pour mourir naturellement. Patient, le mec.

Après cette mini-guerre, en
35 avant JC-le-religieux, Marc-Antoine (à droite) proteste contre César le Jeune, arguant que le partage des terres africaines de Lépide n'a pas été équitable, et demande en plus des légions supplémentaires pour préparer une campagne contre les Parthes (le grand ennemi de Rome à l'époque, et qui, si tu te rappelles du premier épisode, détiennent encore les aigles de légion de Crassus, perdus en 53). César le Jeune refuse, appuyé par un sénat qui reprend du poil de la bête, au motif pas tout à fait erroné, au fond, que Marc-Antoine est un oriental soumis à la reine d'Egypte, une certaine Cléopâtre...
Histoire d'alimenter la bagarre, Marc-Antoine met en lumière le fait qu'Octavien ne serait pas l'héritier légitime de Jules César, étant donné que celui-ci a eu un fils avec Cléopâtre, appelé Césarion. Sachant que lui-même lui a donné toute une portée d'Antoines miniatures, ça en dit long sur le niveau du débat...

Bref, en 31 avant JC (je précise plus lequel parce que l'autre est désormais relégué à l'Histoire), Octavien est envoyé par le Sénat et le peuple romain, tous deux fidèles à son pouvoir, en campagne contre l'ambition de l'Egypte et de sa salope de reine, à qui le plumard de César a filé des idées impérialistes. L'affaire tourne court, puisque durant cette même année 31, la bataille navale d'Actium, au large du promontoire de la ville grecque, est remportée par la flotte romaine contre l'égyptienne. L'année suivante, histoire de couronner son triomphe, et puisqu'il n'a pas le droit à la cérémonie du même nom après une victoire contre un romain, décide encore de changer de nom.
Puisque l'imperator est le général victorieux qui a écrasé ses ennemis en semant la mort et la dévastation, et bien soit, il sera Imperator Caesar Divi Filius. L'autre il décide carrément qu'il sera un décimateur d'armées perpétuel. Revenu à Rome, le général victorieux, qu'on appelle alors César le Jeune ou Octavien, toujours, effectue un acte symbolique en fermant les portes du temple de Janus, dieu des portes et des ouvertures, protecteur de Rome en guerre : il signale ainsi que pour la première fois depuis des années, Rome est en paix civile, ce qui lui confère bien sûr classe et popularité.

Statue d'Octave, alias Octavien... enfin bon, vous connaissez la suite ^^
Il est plus âgé et vêtu en empereur romain.

La preuve, trois ans plus tard, en 27 avant JC, date à retenir s'il y en a une, le Sénat confère à César le Jeune le titre d'Auguste. Particulier, ce nom est traditionnellement associé aux dieux (il vient de augur, le devin) et signifie, par son étymologie, "celui qui agrandit, qui fait croître". Un nom plutôt adapté pour un mec qui a repoussé un peu partout les frontières romaines, ne serait-ce qu'en conquérant l'un des derniers royaumes lagides, l'Egypte, qui devient alors propriété personnelle du prince : elle est gouvernée en son nom par un préfet de rang équestre (les chevaliers finiront par avoir leur ascension politique sous l'empire, bien joué les mecs !), les sénateurs et les émissaires de la république ne peuvent y entrer sans son autorisation, ça rigole pas.

Bon, par contre, plus tard, Auguste était moins occupé à guerroyer contre le monde entier. C'est qu'il avait tout un empire à gérer, le pauvre ! Après avoir réformé la société, en restructurant l'ordre équestre, l'ordre sénatorial, et les conditions pour devenir chevalier, le Princeps, le prince, "premier des citoyens", profite de son pouvoir absolu sur le plan militaire pour finir la conquête de l'Espagne (y'avait un ptit bout en haut à gauche plein de barbares qui résistaient encore et toujours à l'envahisseur) puis pour aller botter les culs des Parthes, en 20 avant JC, pour y récupérer les aigles de légion perdus par Crassus en -53.
Il continue sur sa lancée, il prend (enfin, fait prendre, par ses généraux) la Germanie de 16 à 9 avant JC, ou du moins la partie que César avait laissée aux tribus barbares : pendant un temps, la frontière romaine s'étend jusqu'à l'Elbe, au niveau du Danemark actuel.

Arminius le Chérusque, chef
barbare élevé à Rome
et meneur d'une des rares révoltes
vraiment abouties
contre l'Empire Romain
La province provisoire sera cependant le théâtre d'un drame en 9 après JC : les trois légions de Publius Quintilius Varus, soit environ 22 500 hommes (45 000 avec les auxiliaires) sont massacrées par les barbares menés par Arminius dans la forêt de Teutobourg, et Auguste évacue presque aussitôt le pays, revenant sur le Rhin : ce qui se trouve au-delà ne deviendra ainsi jamais romain.
Cependant, par son règne incroyablement long (il est mort à 77 ans), ses efforts pour ramener la paix, puis agrandir l'empire, ainsi que ses très nombreuses constructions dans la ville de Rome, notamment celle de la nouvelle Curie du Sénat et d'édifices religieux (dont plusieurs à la gloire de César), ses réformes en matière  de politique intérieure, font qu'Auguste est resté très longtemps un véritable modèle d'empereur et de dirigeant puissant et sage.  Imperator Caesar Divi Filius Augustus meurt en 14 de notre ère, et est suivi à la tête de l'empire par son beau-fils Tibère.
D'ailleurs, la Germanie et Tibère, on va en reparler, parce que c'est un sujet intéressant et que j'ai un peu à dire dessus, mais ce sera pour une autre fois ;)

L'empire au dernier siècle de la république et au premier siècle du Principat : en jaune orangé, l'empire à la mort de César (-44), en vert clair les conquêtes sous Auguste jusqu'en 14, dont la Germanie en orange foncé, et en vert foncé les conquêtes des empereurs de 14 à 117.

21.9.12

Jules César

Jules César, Caius Julius Caesar de son vrai nom, est né le 12 ou le 13 d'un mois qui ne portait pas encore son nom, juillet, en 100 avant notre ère. Pourquoi le 12 ou le 13, parce qu'on est pas sûrs, peut-être que Madame Julius a mis du temps à accoucher, ou que Monsieur Julius a traîné dans une taverne avant d'aller annoncer la naissance à l'état civil, bref, Caius est né au milieu de l'été.
D'ailleurs, Caius prétend aussi que la gens Julia (sa famille quoi) tire son nom de son ancêtre Iule, qui serait fils d’Énée, lequel aurait fondé Rome après avoir fui la guerre de Troie. Pour info, si on en croit la mythologie gréco-romaine, Énée est le fils d'un mortel, Anchise (ça se prononce Ankiz), et d'une déesse, Vénus ou Aphrodite. Ce qui ferait de Caius, de la gens Julia, dit César, le descendant d'une déesse. Le type, c'est pas la modestie qui l'étouffe.

Niveau contexte, il faut savoir qu'au Ier siècle avant notre ère, Rome est prise dans une Guerre Sociale entre les Optimates (ça vient d'optimus, le meilleur, et ça se prononce "optimatès"), des politiciens adeptes des vieilles familles nobles, et les Populares ("popoularès"), qui misent sur le petit peuple. Genre les élitistes et les populistes, mais sans aucune connotation négative dans ces deux mots, comme actuellement aux USA.
L'un des héros des populares s'appelle Caius Marius, et on en reparlera dans un article ultérieur ainsi que de son rival Scylla, représentant des optimates.
Le truc à retenir c'est que dans le pugilat quotidien de ces deux factions politiques, les arguments volent plus ou moins haut, les couteaux aussi, et c'est Marius qui a perdu. Pas de bol, à cause de la société romaine faite de patrons et de clients, des protecteurs et des protégés, les Julii étaient plutôt du côté de Marius. Ensuite ils sont plutôt du côté des ruinés et des proscrits. Caius décide alors de s'engager dans l'armée, le plus grand créateur d'emplois de l'histoire de l'humanité, et y fait ses premières armes avant de commencer son cursus honorum, comme tout jeune noble qui se respecte.


J'te la fais courte : les jeunes nobles commencent en bas, finissent en haut, ne deviennent pas forcément consuls mais peuvent être sénateurs dès la première magistrature, sont obligés de faire toutes les magistratures dans l'ordre et d'être élus à chacune, ce qui exige de bien faire son boulot. C'est pas un truc d'arriviste comme on a chez nous.
Bon, là je passe rapidement, parce que Caius fait les échelons un par un, et que je vais pas te faire l'inventaire des magistratures romaines, mais en gros, on peut accéder à la première qu'à un certain âge, en théorie on peut pas faire l'impasse sur une seule (du moins pas sous la république), et elles durent toutes une ou plusieurs années. Ça te dit au passage pourquoi les sénateurs sont toujours de vieux grabataires : ils ont tous une longue carrière derrière eux et certains sont même d'anciens consuls (le consulat est la magistrature suprême de Rome). Bref, on arrive en -63, année où Caius est élu Grand Pontife, c'est à dire chef de la religion officielle romaine, qui joue un rôle dans la guerre, le fonctionnement politique, la tenue des assemblées, les élections, enfin à peu près tout. A l'époque on aime bien demander l'avis des dieux sur tout, à Rome, encore plus qu'en Grèce. Ce qui est normal, vu que les Romains ont piqué les dieux de tout le monde, ils doivent leur cirer les caligae pour s'en faire aimer.
L'anecdote importante dans le fait, c'est que comme les Julii sont toujours pauvres (classes et nobles, mais pauvres), c'est son patron, Marcus Licinius Crassus Dives ("le riche"), qui finance l'élection de César.

Un peu plus tard, le plus grand général encore vivant à l'époque et dernier chef de file des optimates, un certain Cnaeus Pompeius Magnus (dont on reparlera aussi dans un article ultérieur), rentre à Rome et comme le veut l'usage, démobilise ses hommes en demandant au sénat des lots de terre pour qu'ils aillent pas directement pointer à l'ANPE (Attroupement des Non-Propriétaires de l'Empire).
Le Sénat rejette la demande de Pompée, parce qu'on manque de terres disponibles en Italie, qu'il est hors de question de filer le peu qu'on a à des soldats, putain on parle de l'Italie, pas de l'Espagne ou de l'Afrique ! César en profite, tout magistrat qu'il est, pour canaliser la colère de Pompée. Il l'emmène dans un coin sombre, comme un dealer, et il lui propose ni plus ni moins de s'allier en secret avec lui et Crassus pour contrôler ces tarlouses du Sénat et diriger Rome à trois, comme ça ils auront les moyens de contenter les troupes. En faisant abstraction du fait que, sur le plan idéologique et social, ils sont pas faits pour être amis.

A ma gauche, Cnaeus Pompeius Magnus, le Grand, et à ma droite, Marcus Licinius Crassus Dives, le riche.

Pompée accepte, parce qu'il est passé du côté obscur, parce qu'il a bien compris que ça fait un demi-siècle que les généraux ont désormais droit à l'ambition politique, et les trois hommes s'allient dans ce qui est le premier triumvirat, mais officieusement, parce que leur alliance est secrète, en jurant de ne jamais tenter de nuire à l'un des deux autres. Tu rends compte, c'est presque les premiers Avengers de l'histoire !... bon, ou la première Ligue des Ombres, plutôt.
En 59, la Ligue des Ombres romaine voit ses efforts porter leurs fruits : César, qui a été élu consul à imperium grâce à la richesse de son premier copain et aux pressions sur les sénateurs de son deuxième, est tellement puissant qu'il dirige la Cité tout seul, et que l'année éponyme ne porte pas les noms des deux consuls, genre "l'année de Truc et Machin", mais s'appelle "l'année de Jules et César". Ce qui est pas dommage parce que le collègue de Caius s'appelait Bibulus. Des fois la vie est bien faite, on n'a jamais parlé de l'année de César et Bibulus.
Histoire d'obtenir la seule chose que Pompée a et qu'il n'a pas, la gloire militaire et les fans qui vont avec, César saisit alors l'occasion qui se présente en Gaule, alors que des alliés de Rome sont attaqués (ces barbares, toujours à se taper dessus entre eux !), pour se faire mandater par le Sénat avec la mission de pacifier le terrain et de conquérir le sud du pays, afin d'établir une route terrestre sûre vers les provinces espagnoles de Rome, acquises face à Carthage au siècle précédent.

Crassus, de son côté, veut faire pareil en tirant la couverture à lui, parce que sinon on risque d'oublier qu'il fait aussi partie de la bande, mais le problème, c'est que Rome a pas des masses d'ennemis à l'époque. Alors du coup, il va attaquer les seuls être au monde qui soient toujours disposés à une bonne bagarre avec les Romains (non, pas les Gaulois) : les Parthes. Lesquels sont les conquérants de la partie la plus orientale de l'empire d'Alexandre le Grand, à la suite des Perses. Autrement dit, c'est pas des ptites frappes les mecs. J'te le donne en mille, Crassus subit un échec critique, se fait verser de l'or en fusion dans le gosier pour se moquer de sa cupidité, et il paraît que sans entraînement le corps humain supporte difficilement ce genre de chose. Outrage suprême, même si Crassus est plus à ça près, les enseignes de légions sacrés sont prises par les Parthes. Nous sommes en 53 avant Jésus-Christ.

Carte de l'empire parthe au milieu du Ier siècle avant notre ère. Les noms en majuscules sont ceux des provinces et ceux en minuscules sont les villes. La cité de Carrhes, où a lieu la bataille contre Crassus, est indiquée à l'ouest, près de la frontière de la province romaine de Syrie (où est indiqué "Asia Minor").

Concernant la Gaule, ce que le Sénat a oublié, c'est que César est maintenant pote avec Pompée, que celui-ci est un bon modèle et que de toute façon Caius est comme Cnaeus un romain à l'ancienne : quand y'a du bordel quelque part il fait table rase pour mieux faire régner la paix. Ou, pour le dire plus clairement, on l'a envoyé protéger les Eduens, des Gaulois alliés de la cité, il est revenu, au fil des années et après deux allers-retours en Germanie et en Bretagne (actuelle Angleterre), avec le pays entier sous le bras. Au moins maintenant ils se battront plus entre eux, ils sont tous Romains.
A Rome, ils ont un peu tiré la gueule, j'dois dire. Heureusement qu'Internet existait pas à l'époque, sinon la conversation aurait pu ressembler à ça :
"Putain mais Caius, t'es vraiment le roi des cons ou quoi ?!? Tu nous fais passer pour les pires putains d'impérialistes de l'univers et tu r'viens la bouche en cœur, tu t'es pris pour Pompée ou bien ? T'as vu l'image que tu nous donnes dans le voisinage, bordel de merde ?!?
- Ho, on s'calme les ptits vieux, vous branlez que dalle au Sénat, moi j'ai conquis la Gaule, bitches !"
Après ça, Caius essaie de faire élire ses protégés aux magistratures pour le couvrir lors de son retour à Rome, ça marche pas. Il peut pas entrer en Italie sans abandonner son pouvoir proconsulaire (on peut être consul qu'une fois tous les dix ans mais le pouvoir d'imperium peut être maintenu plus d'un an en cas de besoin) et ses légions, mais s'il fait ça on va lui tomber dessus tous les dix mètres entre la frontière et la capitale.

Cicéron, l'un des chefs de file du Sénat à l'époque, a dû être assez malin pour se douter qu'il valait mieux pas lancer un débat sur l'universalisme romain et le maintien de la paix avec un mec qui avait la moitié des armées à ses ordres, alors il s'est contenté de convoquer César pour répondre de ses actes. Grave erreur. César venait de perdre sa fille Julia, mariée à Pompée, il n'avait donc plus aucun ami à King's... j'veux dire à Rome, par contre il avait tout le N... les soldats de son côté.
Bref, César est passé en mode Robb Stark.
Et il a fait genre "le Sénat veut me voir à Rome, ok, j'y vais. Mais j'y vais pas seul. Marc-Antoine ! Réunis les légions !"
Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ, et on ne parlera d'aucun petit village de Gaule armoricaine.


Le Sénat prend peur aussitôt que César franchit le Rubicon, le fleuve qui marche l'entrée en Italie, et se réfugie dans la toge du seul grand général encore en vie en dehors de César : Pompée.
Je sais pas si t'as vu la série Rome de HBO, Internet, mais elle représente très bien, durant la saison 1, cette partie de la guerre civile. En gros Pompée dit qu'il a pas d'armée sous le coude alors que César a tous les vétérans de Gaule encore bien chauds d'avoir tapé du barbare pendant presque dix ans, donc il descend toute l'Italie avec Caius aux fesses et, quand il arrive au bout, passe en Grèce. César, lui, rejoint Rome et rassure tout le monde, non non, je suis pas un tyran qui s'apprête à tous vous tuer. Il est aussi obligé de renvoyer ses vétérans à la vie civile, de recruter de nouvelles troupes et d'aller cogner sur les potes de Pompée à Massilia (Marseille), une cité grecque jusque là autonome et surtout en Espagne.
Manque de pot, les généraux de César se font botter les fesses par le roi Juba de Numidie (Afrique du Nord), un allié de Pompée mais qui se contente de rester chez lui. Parfait, se dit Caius, comme ça je peux aller en Grèce rattraper le vieux con.

Les deux généraux, plutôt que de risquer une bataille sanglante, s'affaiblissent mutuellement, et c'est finalement César qui parvient, contre toute attente, à écraser Pompée au terme d'un combat unique en Grèce. Celui-ci prend la fuite vers la province d'Asie, où il ne trouve nulle part bon accueil, puis à Alexandrie, dans le royaume d'Egypte, théoriquement client de Rome.
Là, le jeune Ptolémée XIII fait assassiner Pompée par un romain, avant de présenter sa tête à César. Loin de s'en réjouir, celui-ci réplique par une bataille rangée contre Ptolémée parce que putain, un Romain assassiné chez les Barbares c'est la pire insulte de l'univers. Cléopâtre, sœur de Ptolémée, devient alors seule reine d'Egypte et donne même un petit Césarion à Caius. On est en 47.


Sur le chemin du retour à Rome, César s'efforce de ne pas laisser sa campagne inachevée, histoire qu'on dise pas que c'est un gros bordélique, et surtout parce qu'il vient de se rappeler qu'être le taulier du monde connu c'est la quête secondaire. La quête principale c'était d'écraser les optimates une fois pour toutes et d'être le héros du peuple.
Il file dans un premier temps vers le Royaume du Pont, dont le roi Pharnace a un problème personnel avec les Romains (faut vraiment que j'vous parle de Mithridate et Pompée), et que César explose en une seule bataille. "Je suis venu, j'ai vu, j'ai botté des culs", qu'il dit à ce moment-là. Enfin à peu près. Dernière étape avant de pouvoir revenir dans sa villa et mettre les pieds sous la table, la Numidie. Déjà parce que la Gaule, l'Egypte, le Pont, ça fait trois triomphes, et César n'aime plus le chiffre 3. On le comprend.
Les autres raisons, c'est qu'après la destruction de Carthage, les rois numides se sont rendus compte que Rome était un voisin encore moins supportable que le précédent, et sont pratiquement entrés en guerre ouverte contre la cité romaine. A l'époque de César, Juba est même allié à Caton d'Utique et Metellus Scipion des pompéiens qui disposent d'une dizaine de légions. Faut pas laisser ça là, ça fait pas bordélique.

Bref, après avoir vaincu des éléphants à Utique (depuis Carthage, ça fait plus vraiment peur ces bestiaux en fait) et deux fils de Pompée en Espagne (les Romains, les familles nombreuses, tout ça), César rentre à Rome pour se reposer en faisant de la politique. Le problème c'est qu'il s'est fait élire Dictateur à vie (la dictature c'est une mesure de crise type guerre totale) par un Sénat dont il a lui-même rempli les bancs avec ses potes, ce qui lui donne quelque chose de plus ou moins tyrannique. Et à Rome, on est maladivement allergique aux tyrans. C'est pour ça que des gens comme Brutus et Cassius décident alors de l'assassiner en pleine session du Sénat, lors des ides de mars, le 15 mars 44 avant Jésus-Christ.

L'Histoire ne s'arrête pas là parce que Caius avait de la famille et des amis pas trop d'accord avec l'idée qu'on puisse l'assassiner, mais ça, c'est pour une autre fois.