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13.10.12

Le 19ème siècle (2) : 1848-1870, l'unification italienne.

Deuxième partie du 19ème siècle, que je fais s'étendre de 1815 à 1914. Ouais, on fait tout le temps ça en histoire, on dit que les siècles commencent et finissent pas par zéro.
D'ailleurs, le 17ème siècle se termine en 1715, tu savais ? Enfin bref.
Au programme de la seconde partie, l'unification italienne, de 1848 à 1870. Un processus lent, difficile, émaillé de trois guerres nationales et de nombreuses luttes entre transalpins, mais qui a abouti, et l'on verra comment !

Bref, la dernière fois, je t'avais laissé en 1848, alors que le Congrès de Vienne de 1815 battait de l'aile. La Belgique était pas censée naître, et elle l'a fait, la République était pas censée faire son come-back en France, elle s'est pas gênée, les puissances signataires du traité (la Prusse, l'Autriche-Hongrie, la Russie et la Grande-Bretagne) auraient pas dû voir leur puissance se renforcer, pourtant, c'est arrivé. Ça a l'air de rien comme ça, mais depuis Machiavel, dans la Renaissance, les rois sont devenus vachement pragmatiques, y sont capables de fermer les yeux sur n'importe quel traité, oublier n'importe quelle parole donnée, tant que ça les arrange un peu !

Quoi qu'il en soit, sache que ce qui était prévisible est devenu réalité. Les Français, ces crétins, se sont pas méfiés une seule seconde quand a été élu en 1848 président de la 2nde république un certain Louis-Napoléon Bonaparte. Comme si son héritage impérial (il est neveu de Napoléon Ier) allait pas le pousser à réitérer l'expérience de 1799 ! Et bah mes ptits loups, ça puait l'embrouille et ça a pas manqué, ledit LNB a fait un coup d'état militaire, et quand ? le 2 décembre 1851 ! Alors qu'il aurait dû s'apprêter à remballer son mandat, paf, le jour historique de la famille Bonaparte, le jour anniversaire du couronnement impérial (1804) et de la victoire d'Austerlitz (1805), il prend le pouvoir !
Et comme les Bonaparte sont supersticieux comme pas deux, c'est justement le 2, décembre 1852, qu'il se fait proclamer empereur et devient Napoléon III. Oui parce que Napoléon II, c'est l'Aiglon, le fils du premier, qui a jamais régné parce que trop petit pour la charge. Une nouvelle fois, si tu te demandes pourquoi je te raconte ça, je te répondrai "parce que". Tu verras !

Napoléon III, président de la 2nde république de 1848 à 1851 et empereur de 1852 à 1870, neveu du précédent, qui se veut le défenseur des nationalités face aux vieilles monarchies en Europe. Notons la présence du manteau d'hermine qui rappelle la monarchie absolue française (tiens donc) tout comme la couronne, la main de justice et probablement le sceptre (à gauche), ainsi que l'insigne impérial de la Légion d'Honneur inaugurée par son oncle.
Tableau de Franz Xaver Winterhalter, 1855, Museo Napoleonico, Rome.

Bon, on entre dans le vif du sujet !
Il faut savoir que les plus entubés du Congrès de Vienne, en dehors évidemment des Français qui ont perdu un empire et la domination de l'Europe, sont les Italiens. Ils se sont fait envahir par un nabot, ils ont reçu le frère dudit en guise de roi, puis ils ont perdu ledit roi d'Italie, et enfin ils ont perdu toutes les provinces du nord au profit... de l'Autriche. Génial. Splendide.
Tu m'étonnes qu'après ça ils en aient gros sur la patate. En plus ils sont nourris au socialisme français naissant, très virulent pendant la courte seconde république, puis au début de l'empire dictatorial de Napoléon III. Un certain Mazzini, notamment, ami de longue date de la romancière française George Sand, est un virulent révolutionnaire durant une bonne partie du 19ème siècle.

C'est qu'à l'époque, l'Italie n'existe pas en tant que telle : hérités des principautés médiévales et modernes, les états italiens sont encore nombreux : 3 royaumes (la Lombardie-Vénétie, le Royaume de Naples, le royaume de Piémont-Sardaigne), les états pontificaux et les grands-duchés de Modène, Parme et de Toscane, le plus puissant dans cet ensemble étant le royaume piémontais. D'ailleurs, c'est par là que ça commence en 1848/49 : le roi Charles-Albert décide de déclarer la guerre à l'Autriche, comme ça, tout seul. Bon, pas tout à fait, vu qu'il a l'appui du pape (qui est à l'époque chef des états pontificaux et de l'armée qui va avec) et des autres états italiens. D'ailleurs, ça se passe plutôt pas mal pour lui, tout aidé qu'il est de Garibaldi, une figure bien connue de l'unification italienne à venir et un acharné de la révolution. Enfin tout va bien jusqu'à ce qu'il soit lâché par ses potes, notamment le roi des Deux-Siciles (le sud de l'Italie et l'île qui va avec) parti régler des problèmes chez lui.
C'est pas en pensant à soi avant tout qu'on règlera le problème, c'moi qui vous le dit ! Résultat des courses, Charles-Albert se prend une pilée, perd la Lombardie qu'il venait de gagner et abdique en faveur de son fils, Victor-Emmanuel II.

Camillo Benso, comte de Cavour (1810-1861), Premier ministre du Piémont-Sardaigne, Président du conseil, Ministre des Affaires étrangères et de la Marine italien, théoricien politique de l'unification italienne.

Le bordel qui a lieu en France en 1848/1852 est, pour le coup, une bonne affaire pour les Italiens, vu que Napoléon III, qui se veut le champion des nationalités, se fait rapidement l'allié des Piémontais, enfin secrètement évidemment, et offre de les défendre en cas d'attaque autrichienne, parce que sans blague, il faudrait pas que les hostilités viennent d'Italie et de France, on se ferait traiter de dangereux belliqueux adorateurs du chaos après ça !
Bref, dans les années 1850, le Piémont se renforce, Napoléon prépare l'opinion publique à une guerre légitime et honorable, qui apporterait des territoires à la France (le comté de Nice et le duché de Savoie, si tu veux tout savoir). Victor-Emmanuel II et son premier ministre, le comte de Cavour, théoricien politique de l'unification, s'efforcent de provoquer l'Autriche. Je sais pas si ils ont dit que François-Joseph avait un petit zizi, ou que Sissi était une grosse vache ou quoi d'autre, mais apparemment ça a marché parce que Vienne déclare la guerre au Piémont en 1859. Fidèle à la parole donnée, contrairement aux autres monarques d'Europe (qui pendant ce temps étaient très occupés à s'échanger des marrons en Crimée, concernant la Russie et l'Angleterre), Napoléon III envoie des troupes en Italie, en échange de la promesse de cession des deux territoires sus-cités, qui l'intéressent (Nice-Savoie, tu sais !).

Adolphe Yvon, Bataille de Solférino, 1859, Château de Compiègne - Musée du Second Empire, France.

Cette seconde guerre ne dure pas très longtemps, parce que pour le coup, la puissance française fait des ravages. La bataille de Magenta, en juin 1859, est une victoire franco-sarde qui refoule les Autrichiens hors de Lombardie. A la fin du mois, Solferino est un redoutable carnage comme on commence à les apprécier dans le monde entier (la guerre de Sécession, aux USA, commence deux ans plus tard) et provoque la création de la Croix-Rouge. Carrément.
Le problème de l'unification de l'Italie, c'est qu'elle doit rassembler tous les Italiens, bah ouais, forcément. La logique voudrait que le plus fort des dirigeants italiens, soit le roi de Piémont-Sardaigne, devienne le roi d'Italie mais les autres sont pas d'accord. Garibaldi et ses Chemises Rouges en sont une représentation significative : les voilà obligés d'aller démolir le royaume des Deux-Siciles, dans le sud, pour le mettre au pas piémontais. Qui plus est, contrairement à Cavour qui s'efforce de piller l’Église par tous les moyens pour fonder une Italie laïque, Napoléon III dirige "la fille aînée de l’Église catholique" et mise pas mal sur les sympathisants du Pape pour soutenir son régime. Ou pour le dire plus simplement, il envoie des troupes, en plus des combattants contre l'Autriche, protéger son pote de Rome, lequel devenait une cible de choix pour les appétits garibaldiens, d'autant plus qu'il passe pour être un sacré conservateur, opposé à la république, à la perte de son pouvoir, à la modernité d'une Italie unie, et tout et tout.

Du coup, ça empêche le Piémont d'aller donner du canon dans Rome, c'est qu'il s'agit pas de faire la guerre contre la France non plus !
D'ailleurs, celle-ci est tellement peu impliquée dans l'unification italienne (ce sale fourbe d'empereur !) que dès que Napoléon III a reçu le comté de Nice et le duché de Savoie (qui appartenaient au Piémont-Sardaigne, pour ceux qui suivent), il fait signer, pour éviter trop de dégâts inutiles (Solferino, ça l'a un peu traumatisé pour le coup), un armistice avec l'Autriche, alors même que la Vénétie reste à prendre pour l'Italie. Cavour est ulcéré, cet empaffé de Napoléon pense qu'à lui, et pas à l'Italie, sale hypocrite, et du coup il démissionne direct de sa charge de Premier Ministre du Piémont.

L'Italie en 1859, 1860, 1861 et 1866. En orange, le Piémont-Sardaigne, bleu pour la Vénétie, vert pour la Lombardie, rouge les États Pontificaux et jaune les Deux-Siciles. Rome est la dernière enclave récupérée par le jeune royaume d'Italie, dix ans après sa fondation en 1861.

Cela dit, le Royaume d'Italie est quand même fondé en 1861, à partir des morceaux glanés ça et là (la Lombardie, le Piémont-Sardaigne, les Deux-Siciles et le Milanais), avec pour dirigeant Victor-Emmanuel II, roi par la grâce de Dieu et la volonté de la nation. Rien que ça. Et son premier ministre, c'est le plus compétent qu'il a pu trouver, Cavour lui-même. Bah tiens, il a déjà renoncé à renoncer au pouvoir. Ledit Cavour a d'ailleurs promis de ne pas attaquer Rome, notamment pour éviter de tomber sur les Français qui y sont cantonnés. Garibaldi, lui, n'a rien promis du tout, et moi si j'avais été Cavour, je l'aurais envoyé discrétos ratiboiser du pontifical en disant après coup "non mais je peux pas le contrôler, cet enragé, je suis navré pour les dégâts" et tout, genre t'es innocent, mais bon, ils ont pas mon machiavélisme politique, disait un jour un prof d'histoire contemporaine de Lille III.

Quoi qu'il en soit, l'Italie gagne la Vénétie en 1866, grâce à une alliance secrète avec la Prusse, qui a des raisons plus affirmées de dégommer de l'autrichien, ELLE, ainsi qu'une nouvelle guerre contre l'Autriche, dont on reparlera dans le prochain article. Pour finir le puzzule, il ne manque aux Transalpins que la pièce centrale, Rome, laquelle tombe dans son escarcelle un beau jour de 1870, alors que la France se fait méchamment rouler dessus par les Prussiens (et pas les Allemands, contrairement à ce qui est souvent dit).
Le fait est que pour défendre le pays, qui est en partie envahi par les casques-à-pointe, tous les hommes disponibles sont requis, et tu sais quoi ? y'a des hommes disponibles à Rome !! Bon bah on les rappelle ! Et ce bon vieux Victor-Emmanuel, aidé de son fidèle Garibaldi, vu que Cavour est mort en 1861 après seulement quelques semaines de gouvernement de l'Italie unifiée (aie, c'est con ça !), se jette sur cette occasion inespérée d'aller casser le Saint-Père. Le vieux catholique est alors enfermé dans le Vatican, où il se trouve toujours, et le reste de la cité pluri-millénaire fait office de capitale pour le jeune royaume.



Comme quoi, il a fallu rien de moins que trois guerres pour faire l'Italie. En attendant, combien il en a fallu la première fois, pour faire l'Italie romaine ? Sûrement plus que ça ! En l'espace de presque 20 ans, la péninsule s'est renforcée, elle a consolidé, dans une certaine mesure, son unité nationale, et surtout, elle a mis cher à l'Autriche, qui en ce dernier tiers du 19ème siècle, est clairement sur le déclin. Lent, mais progressif ! Mise en échec par la France d'un côté, et la Prusse de l'autre (on y reviendra), elle n'est clairement plus la puissance majeure du Congrès de Vienne, dont les signataires sont désormais très occupés à s'entre-dévorer.
L'Italie est donc devenue une monarchie constitutionnelle, ce qu'elle sera jusqu'à l'irruption d'un certain Mussolini en 1922.

Victor-Emmanuel II,
roi
du Piémont-Sardaigne de 1849 à 1861 et d'Italie de 1861 à 1878.

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