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19.2.13

Le jour où on atomise l'Amérique


Jericho.

Créateurs : Jon Turteltaub et Stephen Chbosky.
Origine : Etats-Unis.
Date de diffusion : entre 2006 et 2008 aux Etats-Unis, 2007-2008 en France.
Nombre de saisons : 2.
Genre : action, anticipation.

Interprètes principaux.

Skeet Ulrich : Jake Green.
Gerald McRaney : Johnston Green.
Kenneth Mitchell : Eric Green.
Ashley Scott : Emily Sullivan.
Lennie James : Robert Hawkins.
Michael Gaston : Gray Anderson.

Jericho, Kansas, Etats-Unis. Jake Green est de retour dans la petite ville qui l'a vu grandir après cinq ans d'absence, pour récupérer l'héritage de son grand-père. Son père, le maire, ainsi que son frère et sa mère, se posent des questions sur la vie de leur fils. Débouté par sa famille, Jake décide de repartir aussitôt pour un entretien à San Diego, en Californie. Alors qu'il sort de la ville, un champignon nucléaire apparaît à l'horizon.

Jericho, c'est une des séries les plus cool et les plus intéressantes que j'aie vues dernièrement ! Elle est co-créée par Jon Turteltaub, connu pour être le producteur de navets aussi navrants que les Benjamin Gates et L'apprenti-sorcier, mais pour le coup, il redore son blason.
Les thèmes et les implications sont assez significatifs, les personnages sont classes, et c'est dommage que l'oeuvre soit si courte ! Jericho couvre 29 épisodes, une saison et demie, à cause de LA grève des scénaristes. N'empêche, l'histoire parvient à être déroulée sur ce format assez court, et c'est tant mieux.

Bon, ça commence donc à Jericho, une ville de 5000 habitants dont le nom rappelle la cité biblique, mais si y'a un lien, j'ignore lequel. Dès l'épisode 1, on voit les USA se faire atomiser, et la première puissance mondiale qui prend aussi cher, c'est plutôt perturbant. Au fil des épisodes, Jericho coupée du monde manque d'informations, et la lutte pour la survie commence : de manière assez classique mais hautement pertinente, on se retrouve dans l'apocalyptique. Même pas dans le post-, non, l'originalité de Jericho, c'est qu'on ne voit pas les résultats de la fin du monde, on est en plein dedans, au jour le jour. Le maintien de l'électricité, des communications, la sécurité sur les routes, l'accès à la nourriture, tout ça forme un ensemble cohérent sous les yeux du spectateur.
Fort logiquement, dans ce genre de climat se multiplient les charognards et les prédateurs, sortir d'une ville devient du sport extrême, la loi du plus fort règne partout, et c'est encore pire avec l'hiver qui arrive : les bombes pètent en septembre, et il commence à faire super froid un peu après. Véritable mise en garde contre le train de vie américain, Jericho critique de manière acerbe la surconsommation d'essence aux USA : l'électricité, le chauffage, les bagnoles, les machines agricoles, tout fonctionne avec des moteurs à essence, zéro éolienne, zéro panneau solaire. Alors du coup, quand les réserves viennent à manquer, ça craint. Et au pays des amoureux des flingues et de la chasse, ça craint encore plus.

L'ironie, c'est que cette série est aussi une apologie du mode de vie à l'américaine : je vous apprends pas que sur le plan économique, le pays de toutes les opportunités met en valeur un volontarisme agressif, où les self-made men se construisent en marchant sur leurs semblables, alors du coup, c'est pas étonnant de voir en pleine période apocalyptique une vieille conne d'épicière faire du profit en refusant d'offrir ses denrées aux plus affaiblis, et j'vous avoue qu'il est encore plus appréciable de détester le jeune connard à son service, qui a les dents plus longues encore ! Clairement, Jericho met en opposition les acteurs politiques et économiques, et les survivants qui se cassent pas la tête avec ces conneries, toute façon, y'a plus d'état fédéral, ce qui rend cette série intéressante et surprenante.

Heureusement, les personnages principaux sont sympa hein, sinon ça vaut pas la peine. Jake Green, incarné par Skeet Ulrich, un genre de Timothy Olyphant un peu cheap, et qui a l'air perpétuellement épuisé, est le personnage principal sans l'être vraiment. Avec son frère et son père, ils dominent pas mal la ville parce qu'au début, l'ingéniosité dont ils font preuve tend à montrer que les réussites de Jericho sont celles des Green. Y'a aussi Stanley, le propriétaire de la plus grosse ferme de Jericho, et Robert Hawkins, qui jouent un rôle intéressant. Pour ce dernier, c'est un joli euphémisme : policier de Phoenix, agent du FBI, membre de la CIA, espion, terroriste, agent double, agent triple, agent libre, il fait tout à la fois, on sait pas qui il est, il sait tout faire, c'est à mes yeux le personnage le plus cool et le plus dément de la série !


Chuis pas très fan de cette image parce qu'il manque des gens et que certains n'ont rien à faire là (et parce que j'aime pas les images de séries où tout le casting poste juste pour l'occasion, ça fait sortir les gens de leur rôle), mais c'est genre la seule que j'ai trouvée.

Ce qui est bien, cela dit, c'est que les personnages souffrent et en bavent, c'est pas des super-héros qui prennent une balle et continuent à faire les malins après, dans une série aussi dramatique, les scénaristes nous épargnent rien, les héros prennent des coups quasiment à chaque épisode, des personnages principaux ou attachants sont tués, bref, sans pitié ! Parce que la série est foncièrement réaliste, il n'est fait aucune place au surnaturel, les méchants sont de vrais connards, mais ils ont des motivations bassement humaines : le pouvoir, la force, la vengeance, mais aussi survivre, de la bouffe et des armes... Tous sont intéressants et juste, et ça sert efficacement l'ensemble, je trouve !

Dans la saison 2, après avoir esquissé quelques lignes d'intrigue grâce aux infos que recueille Jericho dans divers localités voisines, à l'aide de réfugiés ou dans une ville transformée en vaste centre de troc, on commence vraiment à être confronté au post-apocalyptique et au complot national. L'intrigue se déploie vraiment, la critique est de retour, et elle vise cette fois les grands intérêts économiques, ainsi que les sociétés de sécurité privées, nombreuses aux USA, ainsi que leur poids politique. En dépit de la coupure forcée à la fin, cette intrigue haletante se poursuit dans une série de comics, Jericho saison 3 – Civil War, que j'ai hâte de pouvoir lire !


Alicia Coppola (aucun lien) joue Mimi Clark, un des personnages les plus délirants de la série :)

A l'image de la plupart des séries récentes, Jericho se dote d'une mise en scène musclée, soutenant bien le propos. J'ai peine à imaginer le nombre d'armes et de munitions utilisées pour le tournage, tellement ça tire dans tous les coins, sans parler des voitures et avions explosés. Au fil des épisodes, placé au milieu des habitants qui luttent pour survivre, on profite de décors classes et sinistres à la fois, entre la beauté du Kansas et la misère d'un pays atomisé. Le truc sympa, c'est que comme l'intrigue est souvent hachée et discontinue, puisqu'on est placé au milieu de Jericho et qu'on n'en sait jamais davantage que les personnages. Du coup, la construction des épisodes permet des trucs bizarres et agréables, notamment des flash-back récurrents. L'épisode 12 de la saison 1, qui est littéralement construit sur ces retours en arrière, raconte les dernières heures avant les bombes et se révèle pour moi le meilleur de la série. Le 22, également, utilise judicieusement ce procédé, et de temps en temps, les flash-back laissent la place aux parallélismes.

Un exemple à la fois bien filmé et terrifiant : dès l'épisode 3, alors que le courant est provisoirement revenu et que toute la ville fait un barbeuc' géant pour éviter de gâcher la viande impossible à conserver, t'as Robert Hawkins qui rentre chez lui après avoir passé la journée sur le poste de morse hâtivement établi. On sait pas ce qu'il a entendu, l'épisode se termine sur une musique assez jolie genre la paix est revenue, mais cette séquence durant laquelle il place des punaises sur une grande carte des USA est terrible. On sait bien qu'il s'agit des villes détruites, on a peur, et lui, il continue à piocher dans la boîte de punaises, inlassablement, encore, encore et encore... waw, j'ai adoré !
Cela dit, faut pas déconner : qui dit grosse mise en scène dit aussi scènes très explicites. J'avais pas vu ça la première fois que j'ai regardé la série, mais y'a certains moment vraiment balèzes, genre quand les habitants de Jericho voient partir des têtes nucléaires avec une cible inconnue (on apprend plus tard qu'il s'agit de la Corée du nord et de l'Iran) ou quand une guerre éclate entre deux villes, avec ce que ça suppose de guérilla urbaine.


Ouais, il sait tout faire, dont piloter un char. Cette scène où le machin se dresse seul sur une colline d'où il domine toute la vallée est visuellement géniale.

Finalement, la construction des épisodes, ainsi que le rappel, au début de chacun, des derniers événements, rendent la série vachement dynamique, on est davantage dans l'instantané que dans le narratif, et ça joue clairement en faveur de l'intrigue et de l'attention du spectateur ! Et puis, comme il se doit hein, peu ou pas de musique, c'est de l'apocalyptique, et dans le genre, je vous conseille sincèrement de regarder ça !

En bref : Jericho est une série peu médiatisée, principalement à cause de son succès relatif et de son achèvement brutal à la suite de la fameuse grève des scénaristes. Elle est pourtant bien filmée, bien construite, servie par un casting assez talentueux, et son intrigue est vraiment géniale. Vous devriez même avoir déjà commencé à la regarder, maintenant que vous avez lu cet article !


Aux USA, des civils avec des armes de guerre, apparemment ça choque personne.

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