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7.8.16

Le Gallois court sur les toits et pille des navires.

(ceci n'est pas du tout une référence au titre de l'article sur The Saboteur. J'oserais jamais >_>)


Assassin's Creed IV : Black Flag.

Développé par : Ubisoft Québec (ainsi que 6 autres studios, putain O_O).
Genre : aventure, sandbox.
Date de sortie : 2013.
Support : PC, PS3 et PS4, WiiU, Xbox 360 et Xbox One.

Caraïbes, 1715. Edward Kenway, un Gallois, est venu dans le Nouveau-Monde pour faire fortune et offrir la vie dont il rêve à son épouse, Caroline Scott. Mais le navire sur lequel il se trouve est coulé, et il est le seul survivant. Peu après, Edward tue un Assassin qui a manqué de l'achever, et s'empare de son uniforme.

Se rendant à La Havane pour endosser l'identité de ce dernier, il intègre malgré lui une machination des Templiers destinée à mettre fin à la piraterie caraïbe et à l'ordre des Assassins par le contrôle du monde.


Alors.
Haha. Ça va être un poil compliqué. Le truc c'est que, je l'ai jamais caché, j'ai toujours éprouvé un dédain assez marqué pour les Assassin's Creed et, de fait, j'éprouve qu'une estime assez modérée pour Ubisoft au Canada. Je trouve les filiales vachement moins créatives et intéressantes en général que la maison-mère de Montpellier (le siège social est à Rennes mais la boîte est née dans le sud), principalement à cause de sa culture américanisée qui fait qu'elle produit des jeux beaucoup plus coûteux et formatés. Clairement, dans le jeu vidéo occidental, je préfère les petits studios et les Européens.
Du coup, Assassin's Creed est une série qui est essentiellement connue pour reproduire régulièrement le même principe en ne changeant que le background, et ce cynisme va même jusqu'à créer des excuses narratives (que j'ai découvertes dans Black Flag) afin de poursuivre la production en chaîne sans scrupule.
En gros, on a des jeux en bac-à-sable, sandbox en anglais, avant on disait GTA-like mais depuis qu'ils sont plus nombreux ils ont leur propre genre, qui intègrent un contexte historique et géographique donné, et, dans ces jeux, une société fictive, Abstergo Entertainment, qui décide que, bon, maintenant qu'on maîtrise l'exploitation de la mémoire génétique, il faut explorer encore plus d'époques et de lieux – autrement dit, faire encore plus d'Assassin's Creed répétitifs et pourris.
Et buggés. La série est aussi connue pour ses bugs magistraux.

La Havane, début du jeu. Dans le genre entrée en matière, ça se pose là. WAW.
(presque toutes les images de cet article sont des captures d'écran que j'ai prises en jouant, vous avez donc une vague idée de la puissance graphique dont je disposais sur mon PC (et encore, j'ai encore jamais eu besoin de le pousser à fond)).

J'ai dit il y a quelques mois à une amie, Carà Ryuko (une adorable Italienne ♥) que des jeux vidéo qui se ressemblent ça me dérange pas, c'est normal, c'est même ça qui permet de les classer dans des genres définis et de les rendre géniaux. Comme dirait Durendal quand on produit une œuvre, on a envie de reprendre des éléments qu'on a appréciés ailleurs pour les modifier à sa sauce. En revanche, des jeux qui se ressemblent trop dans le même studio, ça s'appelle de la fainéantise.
Et puis, parallèlement, le déclic qui m'a fait abandonner Pokémon : Game Freak fait exactement pareil. Pokémon n'a pas évolué ni changé fondamentalement en 20 ans. Du coup je relativise, Ubisoft Montréal, le studio créateur de la série, prend les joueurs pour des vaches à lait depuis 9 ans, c'est de la merde mais eh, y'a pire !
Par contre le truc c'est que, je l'ai aussi découvert en jouant à Black Flag, ces jeux sont, pris isolément, d'un niveau de qualité ahurissant (alors que, pris isolément, les Pokémon restent à chier). Je l'ai dit, ce sont des sandbox, ils font n'importe quoi avec l'Histoire mais comme dit mon ami Florent, on peut violer l'Histoire si on lui fait de beaux enfants. Et le passionné de navigation que je suis a adoré ce Black Flag qui est un magnifique enfant de la piraterie caraïbe ! (contrairement à The saboteur, mon jeu en bac-à-sable précédent, qui est un enfant difforme et mutant de la Seconde Guerre Mondiale qu'il aurait fallu euthanasier à la naissance)

Bon, voilà pour l'introduction du jeu. Ce qui joue d'emblée en faveur de Black Flag c'est que tout semble être fait pour rendre le personnage principal attachant. Edward Kenway est un Gallois sans histoire et quand on la connaît justement, l'Histoire, on sait que son parcours n'a rien d'original. L'Angleterre a exploité son premier empire colonial en essayant de le peupler au maximum pour rentabiliser les terres et les plantations (sucre, café, tabac), ce qui nécessitait l'envoi de colons dans le Nouveau-Monde, et Edward est un de ceux-là, qui cherchent à faire fortune via cette opportunité. C'est même marrant de voir qu'à la même époque, la France pratique plutôt le commerce, le contrôle indirect et la négociation avec les Natifs en Nouvelle-France (Canada) et en Louisiane alors que, un siècle et demi plus tard, la seconde colonisation verra les positions s'inverser, la France privilégiant les colonies de peuplement et l'Angleterre les états-clients et le commerce ^^

On trouve régulièrement sur les îles habitées, dans les riches propriétés et autour des villages, des plantations variées aussi utiles au gameplay que jolies et cohérentes graphiquement. Enfin là c'est une version Playstation dégueulasse ^^

Bref, Edward Kenway, un type banal qui usurpe l'identité d'un Assassin et n'est reconnu par l'Ordre que des années plus tard. C'est un des enjeux de son histoire, il est un imposteur sans légitimité, qui fait des dégâts plus qu'autre chose, par pure soif de richesse, ce qui le mènera d'ailleurs à Nassau, la plaque-tournante de la piraterie caraïbe.
Évidemment, quand on connaît un minimum les AC, même sans y avoir joué (ce qui est pas difficile vu que c'est un phénomène culturel), on se doute à ce moment qu'Ubisoft saisit cette occasion pour réécrire et romancer l'Histoire. Je dois dire que c'est une partie que j'ai adorée bien qu'on reste sur sa faim : Benjamin Hornigold, le pirate devenu corsaire, Charles Vane et Jack Rackham, le célèbre Edward Thatch (ou Teach) dit Barbe Noire, Bartholomew Roberts ainsi que le fameux duo Mary Read-Anne Bonny, les noms les plus célèbres de l'âge d'or de la piraterie sont représentés dans ce jeu.

L'une des images les plus connues dans la communication autour du jeu.
Jack Rackham, Adewalé (second du Jackdaw auprès d'Edward), Edward lui-même, Black Beard et un pirate random x)

Anne Bonny a beau n'être pas un personnage majeur du jeu, j'adore ce qu'ils ont fait d'elle :)

Cette narration, quoique très intéressante puisque racontant l'âge d'or et le déclin de la piraterie, souffre tout au long du jeu de son irrégularité. En fait, Black Flag se déroule sur plusieurs décennies durant lesquelles des ellipses sont faites (à cause des fameux et détestables passages futuristes), ce qui fait qu'on a vite tendance à perdre le fil de la progression chez les pirates.
Du coup, à la place, on se prend au jeu du sandbox et on se balade un peu partout dans les ports, les rares villes (La Havane, Kingston...) et surtout les îles tropicales pour remplir les nombreux objectifs secondaires qui constituent ce monde persistant. Mener des contrats d'assassinat, localiser des coffres pleins de richesses et déterrer des trésors enfouis, et élément propre aux Assassin's Creed, se hisser jusqu'aux points d'observation pour afficher la carte.
Bon après y'a aussi les fragments d'Animus, j'avoue que je sais pas à quoi ça sert alors je les récupérais juste parce qu'ils étaient pas loin. Et puis, plus intéressant, ce jeu décide d'emblée de mêler à la perfection le gameplay et l'esthétique. Dès le début du jeu, à La Havane, le joueur a la possibilité de récupérer des partitions qui correspondent à autant de chants marins, lesquels sont fredonnés par l'équipage lors des très nombreux passages en mer.


Parce que cette version fictive des Caraïbes est absolument immense : c'est un peu comme si on jouait à plein de sandbox différents dotés chacun de sa propre carte, là où d'autres comme GTA ou The saboteur n'offriront qu'une carte unique, grande mais tassée. Comme dirait mon ami Camarade Nerdz ces passages offrent un changement agréable au jeu habituel où on se contente de courir sur les toits. Pour ma part, je dois avouer que c'est cet aspect-là en particulier qui m'a attiré avant tout dans Black Flag, la navigation, les batailles navales et la capture de vaisseaux ennemis.
Et il faut admettre qu'il est extrêmement plaisant de capturer des cargaisons pour les revendre dans les différents ports afin d'améliorer l'équipement du Jackdaw, le navire d'Edward Kenway afin de constituer un équivalent vidéoludique du Black Pearl, le navire le plus rapide et le plus puissant des Caraïbes. Il est au passage plus agréable encore d'entendre le thème principal du jeu, élégant et joliment composé, être joué en plein milieu des combats, derrière les coups de canon et les cris des matelots.


Après, évidemment, difficile de ne pas évoquer la double temporalité des Assassin's Creed. C'est là le principal défaut de ce jeu, et je suppose, de tout le reste de la série. Black Flag commence dans un futur proche dans une région qui pourrait fort bien être celle de Montréal, à cause de son paysage verdoyant et côtier, son entreprise du divertissement numérique où travaille le personnage principal et l'usage fréquent du français fait par ses cadres dirigeants.
Le souci c'est que le 4ème jeu de la série part du principe qu'on a déjà joué aux trois premiers : la narration prend la suite de l'arc Desmond Miles dont je ne sais absolument rien, sans expliquer ce qui s'est passé, et c'est au joueur de patauger là-dedans. En sous-texte durant toute « l'étude de la vie d'Edward Kenway » a lieu une intrigue secondaire à base d'espionnage industriel qui lasse très vite par manque d'intérêt et d'enjeu, si bien que les passages dans le futur sont juste des séquences obligatoires et chiantes, malgré la présence d'intervenants sympa comme Mélanie, lesquelles séquences ponctuent simplement la « vie réelle » menée au XVIIIème siècle dans les Caraïbes.

Ah ouais, alors le futur est beau hein... mais on est enfermé dans les bureaux de cette entreprise de merde et on se fait chier, y'a pas d'enjeu.

Esthétiquement, en revanche, c'est tout autre chose. Déjà, qu'on l'aime ou pas l'univers, sa conception visuelle est formidable. Cette société futuriste avec son architecture épurée façon Anno 2070 est méga-classe. L'archipel caraïbe est tout aussi beau, qu'il s'agisse des séquences de navigations pleines d'îlots, de jolies vagues, de lumières solaires et lunaires somptueuses ou d'animaux marins occasionnels, très bien animés. Bon, j'ai détesté les chasser et je vois pas bien la cohérence, mais les orques, baleines et requins sont classes. Eh, y'a même des passages sous-marins pleins de végétation et d'épaves vraiment détaillés.


Le côté monde persistant se ressent d'autant plus qu'il est joliment mis en valeur par le soin apporté aux aspects formels du jeu. Pontons, petites villes de bois, tavernes où se trouve à l'occasion des musiciens interprétant de jolies chansons populaires, et des PNJ. Des tonnes et des tonnes de PNJ qui vivent leur vie, qui se baladent, qui interagissent, je ne suis jamais aussi ravi de vivre à mon époque et de voir la technologie réussir aussi bien les jeux vidéo que quand j'en ai un comme Black Flag entre les mains.
Les couleurs et les lumières, de façon générale, ainsi que les costumes, sont vraiment jolis, de même que la végétation très présente dans certains endroits du jeu.

Juste... voilà. L'effet de l'eau est parfaitement reproduit et les lumières, l'atmosphère un peu brumeuse de nuit et rayonnante de jour sont trop waw.

Les détails des navires, celui d'Edward et tous les autres, sont aussi très soignés, tant au niveau des boiseries, du pont ou du matériel à bord que de la mâture, des haubans et des voiles. 
Très très réaliste et agréable à jouer.

La bande-son est du même niveau de qualité. On peut reprocher, et je m'en suis pas privé, à Ubisoft Montréal de faire tout le temps la même chose en série sans jamais faire l'effort de révolutionner sa série phare, mais force est de constater que ce qu'ils font, ils le font bien.
Assassin's Creed Black Flag bénéficie d'un doublage anglais très correct (mention spéciale à Edward Kenway, Barbe Noire, à James McKidd ou à ce Templier français dont j'ai oublié le nom et qui, du coup, parle régulièrement en français ^^) mais aussi, je l'ai dit, de plein de chants populaires dans les tavernes et de chansons de marins en mer. J'en connaissais déjà quelques unes qui ont été reprises sur l'excellent album de folk-rock Rats on Board (« des rats à bord ») de Paddy and the rats, comme Drunken Sailor et Bully in the alley, mais j'en ai découvert plein que j'aime beaucoup.

Ma chanson de taverne préférée, Trooper and the maid (d'ailleurs la nana qui chante, sur l'image juste au-dessus, bah c'est ça qu'elle chantait ♥) ainsi que The parting glass. Pour la seconde, y'a bien sûr celle avec la cinématique et le générique de fin du jeu, mais paie tes spoilers.


De manière générale plein de chansons de ce jeu sont des compositions préexistantes réinterprétées, l'une de mes préférées étant The parting glass, chantée ici par Anne Bonny, et du coup sa doubleuse, la chanteuse irlandaise Sarah Greene. En fait, malgré la beauté et la richesse de son écriture et de son univers, Assassin's Creed Black Flag est très clairement teinté de mélancolie et de nostalgie (il dépeint la fin d'une ère, celle de la libre circulation sur les mers et de ses principaux représentants, les pirates), mais parvient ironiquement à installer une narration qui se suffit à elle-même.
Le jeu commence et se termine avec Edward Kenway et, du point de vue de quelqu'un qui n'a joué qu'à ce seul épisode de la série, je dirais qu'au fond, on n'a pas forcément besoin de connaître la postérité du personnage dans les autres Assassin's Creed tant son épilogue est intéressant et appréciable.


En bref : Black Flag est à la fois un excellent jeu vidéo et un très bon sandbox dans un genre qui peine à se renouveler. Le titre réussit l'exploit d'offrir un monde ouvert, une narration immersive et un grand plaisir de jeu là où la piraterie et la navigation n'accouchent généralement que de titres moyens ou mauvais. Cet Assassin's Creed est un jeu complet parce que varié dans ses aspects et ses mécanismes de jeu ; il se prend facilement en main et intègre intelligemment, progressivement, les différentes possibilités offertes au joueur. Et puis il a une esthétique irréprochable tant concernant sa conception graphique que sa bande-son. Bref, sans être une vache à lait qui joue aveuglément à tous les jeux de la série, ce titre-là vaut parfaitement le coup d'œil.

 Une partie de la baie de Nassau, vue depuis le fort.

 J'adore ce genre de petit détail, très fréquent dans le jeu, qui sert à rien mais qui enrichit le côté vivant de l'univers ^_^

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