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17.4.20

C'est bon, la France a son King's Speech.


De Gaulle.

Film français de Gabriel Le Bomin (2020) avec Lambert Wilson, Isabelle Carré, Olivier Gourmet, Gilles Cohen, Catherine Mouchet, Tim Hudson.
Genre : guerre, biopic.

France, Somme, 1940. Le colonel Charles de Gaulle mène la bataille contre les armées de l'Allemagne Nazie et remporte des victoires difficiles, mais à l'arrière, les politiques commencent à parler de capitulation face à la puissance de l'Axe. De Gaulle est ramené près du président Reynaud comme Sous-Secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense Nationale, mais il peine à opposer une résistance au défaitisme du maréchal Pétain et du général Weygand.

Alors que la France est soumise à un exode fuyant l'avancée allemande, Yvonne de Gaulle, ses enfants et notamment la petite Anne, qui souffre de trisomie, essaient de trouver un refuge loin des combats.


Bon, je vous cache pas que ce film m'emplit de frustration parce que je l'ai adoré, je l'ai trouvé génial, mais je l'ai vu quelque chose comme une semaine après la polémique des Césars et des baltringues qui soutiennent Roman Polanski, que j'ai choisi de boycotter dès maintenant, parmi lesquels on trouve un certain Jean Dujardin, mais également un type appelé Lambert Wilson...
À la limite c'est même un coup de chance que je ne puisse l'articler qu'une semaine après l'avoir vu (plus quelques indemnités de retard parce que glandage confiné), puisque les mesures de confinement du Coronavirus empêcheront d'aller le voir au cinéma, et que vous allez, c'est très triste, devoir attendre qu'il sorte en dvd et bluray pour le pirater (bah nan, achetez pas de support physique, c'est pas écolo et en plus ça file du fric à Wilson).

Bon cela dit ça reste un sacré bon acteur, piratez ses films.

Bref, de Gaulle.
Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce film c'est que, dès le début, loin d'être une hagiographie (un récit sanctifiant et héroïque) du personnage, c'est bien davantage une représentation humaine et limite intime de Charles et Yvonne de Gaulle qui est réalisée. Oui parce qu'en plus le film n'est pas un biopic sur une figure unique, mais plutôt un portrait croisé du couple divisé par la guerre, réuni à Londres, mais surtout construit autour de leur relation avec la petite Anne de Gaulle, qui, c'est avéré historiquement, était trisomique. La petite fille est jouée par la jeune Clémence Hittin qui, vous vous en doutez, souffre de trisomie, mais surtout est très juste dans la prestation attendue d'elle (et d'après ce que j'ai lu les autres acteurices étaient très bienveillant·e·s avec elle).

Dans le reste du casting, malheureusement le film ne prend pas le temps, à cause de l'écriture un peu hâtive qui a été choisie, de poser ses personnages - c'est dommage pour qui ne connaît pas Mendel ou très peu Weygand (comme moi), parce qu'ils sont tous les deux intéressants, mais pas pour les mêmes raisons (le premier est pour ainsi dire un héros alors que le second est un putain de vichyste) - et on ressent vite une certaine frustration face aux débats du gouvernement Reynaud que, franchement, le grand public ne connaît pas beaucoup (et je m'inclus dans le groupe parce qu'en Histoire mon truc c'est clairement pas le XXème siècle).
Cela dit, je note quand même la prestation très acceptable du Belge Olivier Gourmet dans le rôle de Paul Reynaud, avec lequel il partage une certaine ressemblance physique.

Mais évidemment, c'est de Lambert Wilson et Isabelle Carré qu'on parle principalement, et à nouveau, je suis frustré, encore plus que quand je regarde un film avec ce taré scientologue de Tom Cruise (qui est un excellent acteur malgré tout). Lambert Wilson est EXCELLENT en de Gaulle, il donne de la grandeur et de la dignité à son personnage, une certaine sécheresse dans l'interprétation de celui qui a eu une éducation chrétienne stricte et une formation militaire, et dans les scènes finales du film, lorsqu'on le voit dans la cabine de la BBC pour les allocutions radiophoniques, éclairé en rouge, l'illusion est frappante : on dirait VRAIMENT de Gaulle O_O


D'ailleurs pour ce qui est des aspects esthétiques, parce qu'on est quand même devant un film, De Gaulle baigne dans un équilibre assez incertain entre l'austérité élégante et la sécheresse absolue. Le personnage principal, bien interprété par Wilson, est toujours dans une certaine réserve par rapport aux autres, dans son parler, sa posture, et de manière générale les costumes, les décors (notamment les intérieurs, par exemple dans les différentes maisons où s'abrite la famille de Gaulle et la salle où a lieu le conseil du président Reynaud) reproduisent bien l'ambiance de la fin des années 1930, avec ses rapports sociaux faits de distanciation digne et d'affection un peu froide, du moins concernant les classes bourgeoises et privilégiées.
Lors d'une séquence en particulier, on voit une... maison de soins, je suppose, enfin un genre d'orphelinat géré par des moniales (des "bonnes sœurs" chrétiennes) pour les enfants souffrant de "mongolisme" (de trisomie 21 donc) et la scène donne vraiment cette impression de chaleur humaine retenue, comme si les gens peinaient à être impulsifs.

Yvonne de Gaulle (Isabelle Carré) avec son amie Suzanne qui tient la petite Anne de Gaulle, ainsi que Philippe et Elisabeth de Gaulle (à droite), les deux premiers enfants du couple, lors de leur tentative d'embarquement à Toulon.

L'image, les lumières et les couleurs sont assez balèzes, parce qu'ajoutées à cette manière de jouer des interprètes et de filmer du réalisateur, on constate une certaine synergie de l'équipe technique qui fait que l'époque du film, ces quelques semaines de 1940, est très bien reproduite, y compris dans ce qu'il y a de plus violent.
L'exode français, puisque c'est de ça qu'il s'agit, est mis en scène avec un réalisme assez difficilement soutenable - les gens égarés ou entassés sur les petites routes, qui transportent leurs affaires à dos d'homme ou en chariot, et parfois les bombardiers allemands qui en profitent - et même en connaissant la fin de l'Histoire (parce qu'ils ont vécu ensemble longtemps hein, Charles de Gaulle et sa famille), on se prend à avoir peur pour cette femme, son amie et ses trois enfants qui essaient (vainement) de trouver un abri et de recontacter son général de mari (oui, de Gaulle a été promu pendant la bataille de France, comme vous l'avez lu dans le résumé du film, il a commencé la guerre comme colonel).

La bande-son (dispo sur YT, comme pour presque tous les films) est du même acabit avec beaucoup de réserve et de sécheresse. Ce film n'est pas un drame (ou alors c'est un drame de guerre) mais clairement il fait la part belle aux cordes frottées et aux notes mélancoliques. De mémoire (parce que je finis cet article après trois semaines de confinement alors que j'ai vu le film une semaine avant le début dudit), je crois qu'il n'y a pas un seul moment drôle dans le film, et très peu de scènes légères (peut-être deux ou trois, entre Charles, Yvonne et Anne de Gaulle).
Un dernier mot sur ce que vous allez *entendre* dans le film, et qui est à la fois très intéressant et très réaliste, Winston Churchill, forcément très présent face à Charles de Gaulle dès que celui-ci cherche le soutien britannique face à la déroute française, est joué par un acteur anglais (pas très connu d'ailleurs), mais il mélange l'anglais et le français à l'écran. Et, d'après mon expérience, c'était effectivement un trait du véritable Winston Churchill que de désarçonner ses interlocuteurs en passant d'une langue à l'autre à la fois dans sa compréhension (les dialogues du film sont bilingues, Lambert Wilson ne parle pas beaucoup anglais) et son expression. Malin !

Nan mais genre vraiment, il est bluffant ce Churchill O_O

En bref : ce film est un King's Speech français. On a enfin droit à un long métrage sur une grande figure nationale dans une très bonne interprétation et avec une écriture qui n'en fait pas un saint mais rappelle qu'il était un homme qui a fait de son mieux dans des circonstances particulières - comme le George VI de Colin Firth devant la caméra de Tom Hopper. L'idée d'en avoir fait un portrait croisé du couple de Gaulle et d'avoir placé au centre de leur relation (comme dans la réalité quoi) la petite Anne rend le récit équilibré et touchant, tout en brossant une image certes concise mais fidèle du début de la 2GM en France. Bref, un biopic respectable que je recommande ! J'espère même que, l'an prochain, il pourra concourir aux Césars et recevoir un petit pavé tout moche (celui du Meilleur Film serait mérité).

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