Bonjour Internaute de passage ♥
Y'a pas très longtemps j'ai découvert (après tout l'monde, comme d'hab') le dernier Spielberg, Ready Player One, essentiellement dans le but de m'en faire une opinion personnelle puisque je ne m'intéresse plus depuis un moment à ce réal' qui à mon sens n'a pas fait de bon film depuis 2005 avec La guerre des mondes et Munich.
Certes, j'ai vu ce film peu après avoir regardé la dernière vidéo de LicarionRock qui détaillait justement à quel point ce film est mauvais, ce qui contredit la loi que je me suis imposé depuis quelques années de ne jamais rien savoir d'un film avant de le découvrir, pour être le plus neutre possible, mais en même temps, j'ai pas pu échapper au tsunami médiatique provoqué à la fois par la sortie et par la réception de RPO.
Quoi qu'il en soit, et notamment par les défauts que je lui ai trouvés et qui rejoignent ceux cités par Licarion, je suis d'accord avec lui sur le fait que ce film est une hypocrisie dans sa représentation d'une pseudo-liberté numérique, et je trouve également que Ready Player One est une énorme bouillie de placements de produits et de références culturelles sans pertinence ni réflexion sérieuse.
Maintenant, en tant qu'auteur j'aimerais quand même m'appesantir sur le pourquoi et le comment de l'échec évident de cette démarche référentielle, ne serait-ce que parce qu'un de mes prochains romans - L'elfe d'acier - adoptera une posture similaire, quoique de manière moins systématique et gratuite.
Pourquoi vais-je décider de le faire alors que je sais pertinemment que c'est risqué ? En termes d'écriture, déjà, j'ai la flemme d'inventer plusieurs siècles de culture populaire. L'elfe d'acier se déroule dans le futur d'une dystopie centrée autour d'un empire spatial anglo-germain et met en scène des personnages jeunes, un peu geeks pour certains, pour qui la culture populaire est un des fondements de leur univers culturel.
En plus, l'univers est en partie inspiré par la série Firefly, et j'adopterai le même postulat d'une société qui n'a jamais vraiment quitté les codes esthétiques et culturels du XIXème siècle. Et en termes de narration, il y a donc un point de l'Histoire dans L'elfe d'acier à partir duquel la culture devient conformiste et académique, ne fait plus que se répéter elle-même dans la valorisation du modèle dominant (celui de l'empire anglo-germain) si bien que les références pertinentes sont anciennes mais toujours d'actualité - les nôtres, celles du XXIème siècle, que je décalerai de cent ou deux cents ans dans l'avenir.
Firefly, c'est surtout une série qui dépeint une société futuriste, mais qui a évolué à partir d'un XIXème dont les codes sociaux, vestimentaires et culturels n'ont jamais décliné, provoquant un nouvel essor vers le "Far West" spatial.
Bref, référencer une époque, c'est quelque chose que je compte faire, mais je suis pas le seul, ça a déjà été fait, je l'ai vu assez souvent dans mon parcours culturel, et c'est pour ça que je voulais prendre l'exemple de Ready Player One pour me pencher sur la méthode.
(c'était une longue intro, j'admets)
Faire référence à tout un univers culturel ou à une époque, Spielberg sait déjà faire. À titre de rappel et à l'aide de la très bonne vidéo de Meeea à ce sujet (de toute façon toutes les vidéos de Meeea sont extraordinairement recherchées et documentées), il était producteur - et donc décideur - sur le film Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, autour duquel il a été celui qui a négocié les droits d'apparition de nombreux personnages appartenant à la société de production Warner.
Le problème c'est que Spielberg, comme beaucoup de vieux créateurs de Hollywood, s'est reposé sur ses lauriers sans évoluer avec son temps, et avec Ready Player One, il est clairement parti du principe que ce qui avait fonctionné une fois pouvait le faire à nouveau, parce qu'on était dans le bon contexte.
Je veux dire, on va pas se mettre des œillères, toi et moi on sait qu'on vit actuellement dans une période bourrée de remakes, de reboots, de suites et de déterrages de toutes sortes autour de films ou de licences plus ou moins anciennes et ornées d'une patine "nostalgie", "old-school" et "vintage" qui leur donne une aura de qualité inimitable qui explique qu'on réutilise ces noms plus ou moins familiers plutôt que de créer du neuf.
Ça a commencé au milieu des années 2000 et ça a donné du bon - je suis très fan des nouveaux Star Trek, qui sont tout ce ce que je connais de cette licence - mais à un moment ça devient répétitif. Le dernier exemple en date que j'ai envie d'invoquer dans le cas de RPO, c'est évidemment Stranger Things.
Alors, j'ai pas vu la série, mais j'ai vu un paquet de films des années 1980 qui semblent référencés dans celle-ci, et surtout j'ai pas mal lu ce qui en a été dit. Le fait est que Stranger Things s'intègre dans une longue continuité qu'on peut faire remonter à Spielberg lui-même, ce qui me fait dire au contraire de LicarionRock que Ready Player One est une des œuvres les plus égocentriques que j'aie jamais vues.
Steven Spielberg, devenu célèbre au milieu des années 1970 avec le film le plus désastreux de sa carrière à mon sens, Les Dents de la Mer - parce que je considère comme désastreux un truc qui crée artificiellement dans l'imaginaire collectif une réputation infondée de tueurs sanguinaires pour des animaux essentiels à la biodiversité et qu'on a ensuite massacré sans pitié sur toute la planète en se justifiant par cette fausse réputation - est en effet à l'origine de certains concepts narratifs qui sont aujourd'hui référencés par lui-même.
Super 8, pour celleux qui ne l'ont pas vu, est plutôt intéressant, quoique pas novateur : c'est l'histoire d'un drame familial entre un père récemment veuf et son fils, ce dernier appartenant à une bande de gamins qui tournent des films en Super 8 et filment malgré eux une catastrophe ferroviaire impliquant un projet gouvernemental secret centré sur des extra-terrestres.
Super 8 c'est un peu le Frankenweenie de Spielberg : tout son cinéma y est. On pourrait presque faire un Bingo Spilberg en regardant ce film (ou toute autre œuvre qui appartient à la démarche culturelle sur laquelle est centré le présent article) : le groupe d'enfants, le gamin en souffrance, les extraterrestres, l'aventure à l'insu des adultes, les adultes qui pigent que dalle...
Les Goonies, sorti en 1985, raconte les aventures d'un groupe de jeunes garçons (et deux filles ados bien clichés, pour la représentation des genres) face à des bandits et sur la piste d'un trésor de pirates, dans ce qui est clairement une variation du ET l'extraterrestre de Spielberg sorti en 82 (et dans laquelle l'alien est incarné par Cinoque).
Bref, tout ça pour dire que c'est Spielberg lui-même qui a érigé au statut d'incontournable de la pop-culture des années 1980 l'histoire centrée sur un groupe d'enfants à la fois comme réalisateur avec E.T. l'extraterrestre (que j'ai vu récemment, peu après Super 8), et comme producteur avec, notamment, Les Goonies de Richard Donner (film référencé par Stranger Things, au milieu de la galaxie vintage). Et c'est ce modèle narratif qu'il reprend dans Ready Player One, centré sur des ados (on ne donnerait pas plus de la vingtaine aux personnages d'Art3mis, Parzival et Aech, ceux de Sho et Daito étant plus jeunes).
Mais au-delà de l'autoréférence (parce qu'il n'y a plus rien à démontrer concernant la paresse éditoriale et narrative de RPO), revenons au sujet de base : ancrer un film dans une époque.
Le vidéaste MisterFox, dont la chaîne Youtube est consacrée à l'univers du doublage français, a énoncé parmi les critères qui d'après lui font un mauvais star talent le fait que le personnage devienne son interprète, et non l'inverse. Cela a pour conséquence notable d'emprisonner l'œuvre dans une époque précise, celle du star talent, à cause des phrases fétiches et de l'univers culturel qu'il va utiliser dans son "travail de doublage" (on pensera par exemple à Eric Judor qui cite des répliques de la série H ou du film La tour Montparnasse infernale lors du doublage du personnage d'Oscar dans Gang de Requins).
En effet, on se définit rarement, culturellement, par des références antérieures à notre propre existence : on a tendance à avoir une préférence pour les œuvres dont on est contemporain-e.
Construire une œuvre référentielle, ça peut causer le même problème : ça peut enfermer le film, le livre, le jeu vidéo ou la série dans une époque précise. Alors bien sûr, ça peut être totalement assumé, c'est d'ailleurs le parti pris de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Le film se déroule en 1947 et à l'exception de quelques anachronismes (relevés toujours par la même vidéo de Meeea), les personnages référencés sont issus des années 1940, entre les Looney Tunes (dans leur version d'époque alors que la Warner voulait les versions modernes, encore un point évoqué par Meeea), les figurants de Fantasia ou encore les personnages des origines de Disney. Cette présence permet donc de donner du relief et de dépeindre une époque.
D'ailleurs maintenant que j'y pense, il y a peut-être déjà dans ce film un sentiment de nostalgie, pour le Hollywood idéalisé de l'âge d'or, avec des artistes qui sont aussi des artisans, un amour du travail bien fait, sans gros blockbuster, un peu à la manière de La La Land. Ce serait ironique, dans un film produit par Spielberg ^^
Notez l'usage de couleurs chaudes et le léger filtre sépia, habituellement associés à la temporalité passée et à tout ce qui est positif...
Le problème avec cette volonté de référencer, c'est qu'il rend l'œuvre totalement opaque à qui ne saisit pas les références. Et ce sont précisément les deux problèmes qu'a réussi à éviter Les mondes de Ralph, EXCELLENT film de Disney, mon préféré du studio. Vu qu'il se passe dans une salle d'arcade et qu'il traite de jeux vidéo, il se doit de référencer des titres connus pour attirer un public plus large que le cœur de cible habituel (les enfants) et pour rendre son univers cohérent.
Tu vois, c'est ça la différence entre la référence et l'hommage : Wreck-it Ralph ne référence pas le retro-gaming, il lui rend hommage. Il ne bombarde pas le public de références et de placements de produits pour une raison simple : les célébrités vidéoludiques ne servent qu'à dépeindre l'arrière-plan narratif, l'intrigue elle-même étant centrée sur des personnages originaux de Disney.
D'autre part, Wreck-it Ralph prend son temps : le personnage principal, Ralph, est souvent perdu, ne sait pas vraiment ce qu'il doit faire et comment le faire pour atteindre son objectif, le film jongle entre sa progression, celle du duo Félix Fix-it/Sergent Calhoun et celle de Vanellope, et il prend le temps de poser ses personnages et son univers à travers des phases d'introspection et de background (notamment sur l'histoire de Turbo).
Un autre moyen assez direct pour éviter les références culturelles datées, et une preuve que Disney maîtrise très bien cette technique, c'est la réécriture, dont l'exemple le plus évident est celui des Kingdom Hearts.
Puisque c'est une série de jeux vidéo tournée vers un public plutôt jeune, imaginons qu'un enfant ou un ado joue à Kingdom Hearts 2 : la grande majorité des gens n'ont même jamais vu l'intégralité de l'ancestral et canonique Steamboat Willie, mais il est tout à fait possible pour le jeune public de comprendre, dans le jeu, l'intrigue de la Rivière Intemporelle (dépeinte en noir et blanc, à l'ancienne), avant que le Château Disney du roi Mickey n'y soit construit.
T'as pas vu le film ? Oh c'pas grave, le jeu en reprend les codes esthétiques et l'univers, mais il écrit sa propre histoire.
Dans le même genre, après avoir joué au premier Kingdom Hearts, on se voit expliquer que la Forteresse Oubliée a été dotée d'un système de défense automatique, mais que celui-ci a un bug : on va dans l'ordinateur, on découvre que les problèmes sont causés par un certain MCP, et on s'allie à Tron pour le combattre. Pas besoin d'avoir vu le Disney de 1982 pour apprécier l'écriture ou les personnages. Pareil pour les Final Fantasy : sans avoir joué à FF7 et 8, on rencontre Squall Leonhart, qui préfère être appelé Léon, et on comprend tout de suite que son monde a été détruit par les Sans-Cœur et qu'il a fui avec Youffie, Aerith et Cid.
Peu importe qu'on n'ait pas les références originales, puisque les personnages sont réécrits afin de s'adapter à leur nouveau cadre narratif, ce qui rend les titres (Kingdom Hearts 1 et 2) intemporels (sans compter que le personnage de Jiminy Cricket tient un journal qui est en fait une encyclopédie des personnages et de leur histoire avant les KH, titres et années à la clé).
Et c'est exactement pareil pour les personnages de la série Once Upon A Time, dans laquelle on croise Peter Pan et le capitaine Crochet, Blanche-Neige et la Méchante Reine, Robin des Bois et autres figures culturelles et folkloriques intemporelles, pour qui le passage chez Disney n'était qu'une mention dans une longue liste d'adaptations.
Bien au contraire de ces œuvres lentes et progressives, Ready Player One est RUSHÉ. Ce film ne prend aucune pause, il FONCE, il se précipite, il ne pose pas son univers. Or, ce film a un univers très riche, avec plein de sous-intrigue, de personnages principaux, secondaires et figurants, il se déroule dans une dystopie, et à AUCUN MOMENT la fresque narrative de ce film n'est expliquée. Cette précipitation donne du coup lieu à un bombardement constant, nourri et arbitraire de références culturelles qui ne sont jamais approfondies, expliquées, justifiées.
Qui plus est, le film et son intrigue principale REPOSENT sur les références culturelles, elles ne servent pas uniquement de background narratif, elles nourrissent les rapports entre personnages, ce qui peut rendre totalement occulte des séquences entières de Ready Player One.
Et là, comme je suis super doué pour construire mes propres articles (encore heureux), je m'arrête sur un exemple précis qui nous ramène là où je voulais t'amener : la fracture générationnelle.
Dans Ready Player One, les adversaires des personnages principaux sont présentés comme des fake-geeks qui veulent usurper l'héritage de James Halliday, ce qui au passage entretient chez le public adolescent la parano envers les "fake geeks" (alors qu'en vrai RPO c'est juste un film sur le libéralisme avec deux entreprises rivales, et les héros sont des mercenaires capitalistes). Or, l'une des grandes dissensions entre le "gentil" et le "méchant" repose sur la connaissance du cinéma de John Hughes (et notamment les films The Breakfast Club et La Folle Journée De Ferris Bueller), qui est présenté comme quelque chose de valorisable et positif : Sorrento, le "méchant", dit qu'il souhaite rebaptiser tous les lycées du monde selon ceux des films de Hughes (ce qui laisse entendre que le film se passe dans un monde où y'a plus d'États, de nations et de gouvernements, enfin on sait jamais vraiment).
Du cast principal de Breakfast Club, aucun-e interprète n'a connu après 1985, année de sortie du film, un rôle aussi important que dans celui-ci, accumulant les titres secondaires et les séries télé.
Par contre le Bobby d'Emilio Estevez (second à gauche) sur l'assassinat de Bobby Kennedy en 1968 est vraiment excellent !
Le problème, qui va m'amener à mon propos principal (la vie est bien faite et mes articles aussi) c'est que présenter ça de cette manière souligne une grave méconnaissance des films référencés de la part des scénaristes de RPO et donc de Spielberg.
Alors je sais, dans les années 1980 il était très occupé à réaliser et produire un nombre incalculable de films, mais les grand-e-s auteurices, tous genres confondus, sont nourri-e-s par leur culture personnelle : un réalisateur DOIT voir des films pour pouvoir faire de bons films (ne serait-ce que pour savoir ce qui est tendance à un moment donné ou quelles erreurs ne pas faire).
De toute façon, même en ne connaissant pas le ciné de John Hughes (ce qui est mon cas, j'ai vu que The breakfast club, que j'adore), on peut retenir les conséquences de son œuvre : le cast principal du Breakfast Club (donc 5 acteurs et actrices) a été propulsé dans le star-system, a cramé son image et sa jeunesse dans des plaisirs frivoles (alcool, drogue, tout ça...), ce qui n'était pas DU TOUT rare à l'époque.
L'actrice, réalisatrice et productrice Drew Barrymore a débuté sa carrière dans les années 1980 et elle était alcoolique à 9 ans et cocaïnomane à 12. L'acteur Corey Feldman, connu pour Les Goonies (où il joue Bagou) a évoqué beaucoup plus tard la pratique de la pédophilie dont lui et d'autres ont été victimes durant leur enfance de stars à Hollywood. L'acteur Macaulay Culkin (Kevin MacCallister dans les Maman, j'ai raté l'avion) est devenu alcoolique et dépendant aux drogues à un âge très jeune.
Clairement, les années 1980 ont été effroyablement toxiques pour beaucoup gens qui ont débuté leur carrière à ce moment, et c'est là que je voulais en venir. Ready Player One n'est pas seulement une œuvre totalement datée parce qu'enfermée dans cette décennie à cause des multiples références, elle se plante aussi totalement dans le traitement de celles-ci.
Non seulement le public-cible, les ados, ne comprend que dalle à l'univers, au texte, aux clins d'œil et autres geekeries, mais en plus à mon sens, cette décennie 1980-1990 est une des plus trompeuses et des plus destructrices de la pop-culture.
Sincèrement : QUI est nostalgique des années 1980 ? Qu'est-ce que cette période a de si intéressant qui pourrait la rendre sujette aux souvenirs heureux ? Au-delà du vernis évident, la culture est loin d'y être aussi sexy qu'on pourrait le penser.
Comme le souligne assez ironiquement Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, c'est l'époque de naissance des blockbusters après une période d'âge d'or idyllique pour Hollywood, comme le montrent involontairement les films construits autour d'enfants-stars, c'est la naissance du star-system dans tout ce qu'il a de plus superficiel et dévoyé, comme le montre Spielberg, c'est une fabrique à réalisateurs toujours plus riches et puissants, mais qui pour beaucoup ne sont plus aujourd'hui que l'ombre d'eux-mêmes.
On se souvient de Robert Zemeckis pour les Retour vers le futur et pour Forrest Gump, qui est sorti en 1994. Depuis, il ne fait pas vraiment date, et les films les plus récents que j'aie vus de lui sont Le pôle express (2004) et La légende de Beowulf (2007). Spielberg est à la dérive depuis le début des années 2000. Depuis la fin des années 1980, Joe Dante n'a vraiment brillé que par Small Soldiers en 1998. Et la liste est longue.
Les années 1980, mis à part la new wave, ce courant musical fait de groupes maniant le synthé, de chanteurs androgynes avec des coupes mulet (coucou Limahl, Nicola Sirkis, Duran Duran et The cure !), c'est la naissance du punk (à l'origine violemment contestataire), le développement du rap (genre musical hautement social et politique) et le déclin des films d'action désormais ringardisés avec des personnages principaux forts, virils et cliché à souhait.
Sortie de la culture, la décennie 1980-90 c'est aussi le réchauffement de la Guerre Froide avec l'initiative IDS américaine, la guerre Iran-Irak, la guerre soviétique d'Afghanistan (je rappelle que les moudjahidin sont armés par les Américains), le début d'une dépression économique marquée par l'ère Thatcher et, en France, comme l'ont bien souligné Usul et son équipe dans Ouvrez les Guillemets, le tournant de l'austérité et la naissance des Restos du Cœur en réaction. Cette décennie c'est aussi les premiers constats des ravages humains sur l'environnement, l'explosion d'une nouvelle maladie mondiale, le SIDA, ou encore les crises humanitaires asiatiques et africaines dont on trouve les échos à travers les boat people, USA for Africa et les Chanteurs Sans Frontières (derrière la chanson Éthiopie).
Le public-cible, les adolescents, ne peut être attiré que par les effets spéciaux et visuels, le fond du film ne lui est absolument pas destiné.
Tu vois, c'est ça le problème avec les œuvres beaucoup trop référentielles : elles masquent la réalité derrière un vernis de pop-culture, se figent dans un moment passé en occultant ce qu'il avait de négatif, rejettent d'emblée quiconque n'a pas connu directement ou indirectement la période référencée, entretiennent l'élitisme culturel qui impose de connaître les références au risque de passer à côté de l'œuvre, et au final servent souvent un propos dévoyé qu'on dissimule derrière l'attrait du vintage.
Spielberg a connu l'explosion de sa carrière dans les années 1980 et il est à l'origine d'une bonne partie de l'imaginaire collectif qui en est sorti, notamment en termes d'outils narratifs. Ce n'est pas étonnant qu'il soit attaché à cette décennie qui a été positive pour lui. L'égocentrisme suprême, c'est de penser que cette décennie a été bonne pour tout le monde, que tout le monde en est nostalgique, et qu'il peut réaliser un film à la gloire d'un créateur, James Halliday à travers lequel on devine Spielberg lui-même, en s'imaginant que ça peut passer inaperçu.
On peut très bien construire une œuvre ou même tout un univers narratif sur des références, à condition qu'elles soient bien dosées et qu'elles aient du sens. Moi-même, je le ferai dans L'elfe d'acier : les personnages principaux existant dans une société futuriste et tyrannique, l'époque à laquelle ils se réfèrent souvent, la nôtre, le XXIème siècle, constitue le moment de leur Histoire où la liberté culturelle et intellectuelle était la plus grande. Pour des gens qui se battent afin de renverser un pouvoir écrasant, la référence est logique.
On peut aussi choisir de réécrire les références, ou de leur rendre hommage. On peut assumer de fixer son univers dans une période donnée, à condition de ne pas la dénaturer. Référencer c'est bien, mais ça ne doit pas transformer ton travail en private-joke incompréhensible pour qui n'est dans ta tête. Précisément ce que Spielberg est incapable de faire.
Voir aussi :
- Licarion Rock, bullshitomètre sur Ready Player One.
- Meeea, vidéo anniversaire sur Qui veut la peau de Roger Rabbit ?
- MisterFox, vidéo sur One-Punch Man et le star talent, avec notamment ses 4 critères définissant un bon star talent (et par déduction un mauvais).
- Usul, Cotentin : Ouvrez les Guillemets : France Gall, Berger, Balavoine, les années 1980 en musique.
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