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2.4.19

Il est revenu, les gens ! Tim Burton est de retour !!! ♥


Dumbo.

Film américain de Tim Burton (2019) avec Colin Farrell, Nico Parker, Finley Hobbins, Danny DeVito, Eva Green, Michael Keaton, Roshan Seth.
Genre : fantastique.
Vu en VOST.

Floride, États-Unis, 1919. Le cirque des frères Medicis a connu de meilleurs jours : après avoir perdu son couple vedette de cascadeurs équestres, Max Medicis a été obligé de vendre les chevaux et peine à gérer la vaste population qui dépend de lui.

Lorsque Holt Farrier, cavalier qui a perdu un bras durant la Première Guerre Mondiale, revient au cirque et découvre que sa femme est morte de la grippe espagnole, il retrouve ses enfants dans une ambiance de morosité et est relégué au dresseur des éléphants, dernière attraction du cirque.
Or, une femelle met bas peu de temps après à un éléphanteau doté d'oreilles surdimensionnées.


Lorsque Disney a annoncé les nombreux projets de films en prises de vues réelles et en animation pour la fin de la décennie 2010, j'ai été au mieux sceptique, au pire totalement blasé par les titres évoqués - j'en avais d'ailleurs parlé ici. La Belle et la Bête, que j'ai apprécié par la suite mais qui n'est pas mémorable, était une sorte de présage à la période actuelle : outre le MCU et les Star Wars, Disney accorde beaucoup de moyens aux remakes du Roi Lion, de Mulan et de Dumbo, tous les trois en prises de vues réelles.
Pour ce dernier, j'ai trouvé que l'idée de base était déjà assez naze sans avoir besoin en plus de la confier à Tim Burton, dont le palmarès récent comporte des prestations aussi navrantes que Dark Shadows et Alice in Wonderland (2012 et 2010). En fait depuis 2005 et Charlie et la chocolaterie, je n'ai apprécié qu'un film du cinéaste, Frankenweenie.
Et puis voilà Dumbo.

Alors que je suis allé au ciné avec une pote en pensant assister à la suite du déclin de celui qui était pendant des années un faiseur de merveille doté d'un esprit critique très prononcé, quelle n'a pas été ma surprise de voir Tim Burton nous dire assez clairement qu'il était désolé pour son absence, qu'il espérait nous avoir manqué et qu'il était ravi de faire un retour très élégant dans le style qui est le sien.
J'veux dire, les plus grands films de Tim Burton (y compris L'étrange Noël qui est un Henry Selick à la manière de Burton, et non un Burton) se ressemblent et suivent une certaine recette qui a rendu ce réalisateur aussi irrésistible : des contes mélancoliques parfois empreints de surnaturel, un ton souvent enchanteur, voire féérique, des artistes maudits ou tourmentés, qui affrontent à la fois le regard de la masse populaire et la stigmatisation de leur succès, avec des adversaires qui incarnent ce que la société matérialiste fait souvent de pire.
Bon, avec des variations, mais en gros c'est ça. Oh, et y'a aussi des jolies femmes, souvent blondes, qui accompagnent le héros dans son combat contre la souffrance.


Et ben voilà, Dumbo c'est ça. Comme on le devine très facilement dès les premières séquences vraiment enchanteresses du film, la bande-son est composée par Danny Elfman. On retrouve aussi la Française Eva Green, nouvelle muse du cinéaste, Michael Keaton (qui retrouve Timothy qu'il n'avait pas côtoyé depuis 1992), Danny DeVito, habitué de Burton et qui reprend ici un rôle très similaire à celui qu'il jouait dans Big Fish (2003), avec également Colin Farrell qui confirme son talent pour les rôles positifs et dramatiques (vaut mieux ça que d'aller jouer les connards dans les Animaux Fantastiques de l'autre tanche de Rowling), accompagné pour l'occasion de deux enfants vraiment intéressants et doués, jouant la fille et le fils du cavalier dresseur d'éléphants.

Alors certes, Michael Keaton joue ici un rôle proche de celui du RoboCop de 2016, celui du capitaliste manipulateur et cynique, mais c'est assez incroyable à quel point Tim Burton a retrouvé son talent pour les différents niveaux de lecture et la critique mordante.
Dumbo, créé en motion-capture, est criant de réalisme et d'émotion, vraiment adorable et touchant (j'ai littéralement passé les trois-quarts du film à pleurer tellement la mise en scène est chargée en sentiments), et justement, l'enjeu de son personnage c'est qu'il ne se plante jamais (ce serait horrible, imaginez le petit éphélant qui saute du haut d'une plate-forme à vingt mètres de haut, rate son envol et s'écrase violemment...).


Non, sa malédiction c'est qu'il parvient toujours à briller malgré la difficulté qu'on impose à ses numéros, du coup il devient un genre de monstre populaire, chouchou d'un public grossier qui ne comprend pas ses tourments - il est d'ailleurs nommé Dumbo un peu par hasard et totalement par moquerie (je rappelle qu'en anglais dumb = débile), même si le nom est adopté ensuite avec une bonne explication.
Dans cette optique, Max Medicis est ainsi l'artiste-artisan, proche du public et attaché au bien-être de son équipe, un peu le père de famille d'un cirque de laissés-pour-comptes et de parias, tandis que l'antagoniste, c'est l'artiste qui s'est éloigné du public au profit d'une vie confortable afin de gagner de l'argent et de la notoriété. L'artiste en question, s'il est toujours attaché à l'essence des spectacles, est également soucieux de son apparence, raison pour laquelle il arbore Collette, une artiste française qui est également sa muse et son trophée... ça vous rappelle pas un certain réalisateur par hasard ?


Tim Burton fait ainsi dans Dumbo son autocritique en savatant violemment la société Disney elle-même, qu'on devine assez clairement dans le parc Dreamland, construit sur l'exploitation animale, la technologie et le souci de rentabilité. Autour de cette introspection, la preuve qu'il demeure, outre un réalisateur critique et indépendant, un père de famille, avec l'histoire d'un père et de ses enfants, motivés lui par son retour comme cavalier-vedette du cirque, eux par les attentions portées à leur frère adoptif à trompe, dans ce qui est clairement la reconstruction d'une famille malgré la perte de la mère (*tousse-tousse*Helena Bonham Carter*).


On sent que Tim veut avoir des films à montrer à ses enfants, et c'est chose réussie avec ce Dumbo. Il y a des références au premier Dumbo - les éléphants roses, la cigogne qui s'envole devant la mère de Dumbo, le câlin trompesque de celle-ci enfermée avec son fils libre, les souris aussi - mais globalement c'est une écriture totalement originale, expurgée du racisme qui dominait l'ambiance générale de Dumbo version 1941.
Il est magnifique à la fois visuellement et pour les oreilles, il tape juste en visant le public au cœur, à la  tête et aux émotions, grâce à une mise en scène mi-onirique mi-réaliste (ça reste un film ancré dans une époque, celle du déclin des spectacles itinérants), et nous prouve une nouvelle fois que malgré son absence, il est toujours là, prêt à faire ce qu'il-on aime.


En bref : Dumbo est un remake dans le plus pur sens du terme : il prend un film et le refait complètement, en ne gardant de l'originale que l'idée de base, ici un éléphant qui vole avec ses oreilles géantes. Pour le reste, c'est un Tim Burton pur jus, avec l'esprit onirique et enchanteur né de ses collaborations avec Danny Elfman et les critiques sociétales qu'il a toujours férocement formulées. Burton est ici le grain de sable dans la machine Disney, avec une belle histoire en plus. J'adore.

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