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22.10.17

Films pour adultes et studio pour enfants : Mickey et la dark-fantasy.


Taram et le chaudron magique.

Film d'animation américain des Walt Disney Studios (1985).
Genre : fantasy.
Vu en VOST.

Le pays de Prydain. Taram, jeune protégé du vénérable Dolben, se languit de la guerre qui menace contre le Roi Cornu. Il veut être un de ces héros dont parlent les légendes, combattre avec honneur et vaillance pour devenir un grand chevalier. Mais il n'est qu'un porcher et son quotidien se résume à prendre soin d'Hen Wen, une petite truie.

Un jour cependant, Dolben apprend que le Roi Cornu convoite le Chaudron Magique, un objet puissant et dangereux. Très vite, les dangers se multiplient...


Second article de ma série Films pour adultes et studio pour enfants, consacrée aux Disney trop matures pour être justement estimés, Taram et le chaudron magique, The black cauldron en anglais, est jusqu'à preuve du contraire le dernier que je traiterai à ce sujet. Je pourrais changer d'avis à l'avenir mais Le bossu de Notre-Dame a déjà été traité avec beaucoup de justesse par le Bolchegeek et je ferais que répéter ses propos si j'me penchais sur ce film (que je connais mal et n'aime pas, au passage).
Bref, Taram et le chaudron magique est sorti en 1985. Il serait, d'après Wikipédia, librement adapté des Chroniques de Prydain (faut vraiment que les auteurs de fantasy arrêtent d'appeler leurs machins Chroniques de quelque chose) publiées dans les années 60 et elles-mêmes adaptées du folklore gallois - ce qui a au moins d'expliquer pourquoi le barde rencontré par Taram s'appelle Fflewddur Fflam, et c'est la dernière fois que je l'écris.

C'est tellement un Disney de la joie et la bonne humeur que même les arbres font des visages morbides X_x

Alors, le pitch, c'est quoi ? L'histoire est vachement plus simple qu'on pourrait le croire. C'est l'histoire de Taram, qui veut être un héros, d'un seigneur du Mal dans un pays à l'abandon, d'un cochon qui a des visions dans certaines circonstances (il doit tremper son groin dans l'eau et il faut dire une incantation), et de quelques héros qui aident le personnage éponyme à triompher au nom du Bien.
Et franchement, ça vous rappelle pas quelque chose ? Un seigneur du Mal, un artefact sur lequel il doit surtout pas mettre la main, un héros improbable, un vieux mentor, des sidekicks rigolos ? Eh ouais. C'est totalement le Seigneur des Anneaux !! En plus  tu sais quoi ? Quand on utilise le pouvoir de vision du cochon pour espionner le Roi Cornu, il s'en rend compte ! C'est comme un Palantir en fait !

Sérieusement, vous en connaissez beaucoup des Disney où le personnage principal en prend plein la gueule au point qu'on le voie SAIGNER ? Même Quasimodo c'est du jus de tomate et pas du vrai sang !

Oui parce que, il faut le savoir et vous l'ignorez peut-être, Le Seigneur des Anneaux a été adapté AVANT Peter Jackson. Y'a eu une version avant celle que la postérité va retenir ; elle a eu lieu à la fin des années 70 et elle était en animation et rotoscopie (une technique qui consiste à filmer les mouvements d'un sujet en prises de vue réelles pour le transposer en animation dont le réalisme est ainsi augmenté).
Le Seigneur des Anneaux en animation. Je vous laisse assimiler le concept.
....
C'est bon ? OK. Alors ça a été un échec relatif, si bien que ça n'a jamais été terminé, mais ça a sûrement donné des idées à Disney dont le domaine d'action était jusque là les adaptations d'histoires préexistantes (de Blanche-Neige à Cendrillon en passant par Alice au Pays des Merveilles, Peter Pan et Le Livre de la jungle) et les histoires originales saveur Disney (ouais ça existait déjà à l'époque) avec plus ou moins de succès (La Belle et le Clochard ♥ ou Merlin l'enchanteur, cette daube à chier, pour ne citer qu'eux).

La joiiiiiie et la bonne humeur \o/

Bref, Disney a dû se dire "eh, pourquoi ne pas adapter de la fantasy plus récente, ça peut marcher !" sauf qu'en vrai non. La fantasy, désolé pour ceux qui aiment pas, c'est beaucoup plus riche et complexe qu'on pourrait le croire et je suis pas sûr qu'une adaptation du Seigneur des Anneaux aurait été possible avant l'avènement des effets spéciaux numériques faciles et pas cher (Cœur de Dragon et Donjon et Dragons sont là pour le démontrer), ne serait-ce que pour que la mise en scène soit efficace au service d'un propos épico-dramatique.
Donc nous voilà en 1985 avec cette œuvre qui n'a rien à voir avec les Disney précédents et, le recul permet de l'ajouter, avec les Disney suivants. La faute à un score au box-office très décevant - environ 21 millions de dollars sur le sol américain et même s'il avait fait mieux à l'étranger, les Américains ont, encore aujourd'hui, tendance à plaquer le mot "Succès" ou "Échec" sur un film à partir des seules recettes nationales, ignorant le marché européen - qui représente la moitié du budget du film de 44 millions de dollars.

Le méchant qui tue ses sous-fifres c'est cliché, mais là il utilise des morts pour le faire. Dans un Disney "pour les enfants." Lol.

Est-ce que je peux, à partir de là, considérer que Taram et le chaudron magique est un incompris de la firme de Burbank (Burbank c'est une ville de la région de Los Angeles où se trouvent les studios de Walt Disney Pictures et où a notamment grandi un certain Tim Burton) ?
Eh ben en fait non, parce que, pour l'avoir vu plusieurs fois (comme beaucoup de films, une fois quand j'étais gamin, avant de l'oublier et de le redécouvrir à l'âge adulte), j'ai vu ce film plusieurs fois pour me rendre compte qu'en fait il est pas génial pour plein de raisons.
Les personnages déjà : ils sont pour ainsi dire pas développés, ce qui fait qu'à aucun moment on ne peut se sentir émotionnellement impliqué-e. Eilonwy (Éloïse en français) n'a pas été intégrée au sacro-saint consumériste panthéon des princesses (contrairement à Mulan et Pocahontas qui, niveau princier, sont un peu des invitées surprises), parce que ce statut exige un succès commercial, ce que Taram n'a pas eu.

Les méchants jolis à regarder, c'est trop surfait.

Mais au-delà de ça, du point de vue narratif, qu'est-ce qu'elle apporte à part des questions ? Est-ce qu'il y a un roi, un royaume, qui lutte contre le Roi Cornu ? Comment elle s'est retrouvée dans ses geôles ? OK, c'est une jeune fille forte et indépendante, mais elle n'est que ça, ne sert à rien une fois qu'elle a libéré Taram.
Le barde, pareil, apporte un côté médiéval-réaliste en ceci qu'il va de château en château pour obtenir le gîte et le couvert en échange de son art, mais là il se greffe de manière totalement artificielle sur le duo des enfants. Gurki, en ce qui le concerne, m'a rappelé Gollum : il passe son temps à gratter l'amitié mais disparaît dès que les ennuis débarquent, et il meurt à la fin en détruisant l'artefact du Mal.
Reste Taram, bien sûr, mais lui il est cliché comme c'est pas possible, c'est juste l'archétype du gamin qui veut devenir un héros, loote une épée magique dans les catacombes du château du Roi Cornu (non seulement il a dû balancer tous ses points en chance, mais ledit Roi Cornu n'avait même pas repéré l'épée en question) et est globalement épargné par les péripéties de la narration.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Si on excepte UN MORT À L'ÉCRAN !

Je dis globalement parce que, dans cet univers complexe mais pas expliqué, ça rigole pas. Les sorcières par exemple, jouent un rôle central dans la narration, mais elles ne sont jamais justifiées, alors qu'elles exercent un contrôle absolu sur le Chaudron - pourquoi, comment ?
En plus au niveau de la mise en scène, je l'ai précisé dans le titre, on est clairement dans la DARK fantasy. Les décors sont sombres et effrayants, les ambiances sont anxiogènes, les lumières sont rares et même le bestiaire pue du cul.
Non parce qu'il faut savoir que, si le dragon est une bête effrayante du bestiaire mythologique médiéval, il recèle toujours une certaine noblesse. En revanche, la guivre, cette espèce de saloperie à deux pattes et deux ailes (comme les "dragons" de Skyrim et Game of Thrones), parce qu'elle aspire toujours à la grandeur du dragon sans pouvoir l'atteindre, souffre régulièrement d'un complexe d'infériorité qui la rend hargneuse et bien souvent maléfique - comme c'est le cas ici.

Y'a même un ptit monstre qui harcèle sexuellement un garçon et une fille l'un avec l'autre. Bam, bisou sans consentement.

Bon, passons sur Creeper, le sidekick du Méchant, qui à un moment s'étrangle lui-même pour éviter que le Roi Cornu - qui d'ailleurs s'appelle comme ça en anglais mais Le Seigneur des Ténèbres en français, comme Sauron - ne le fasse, et sur les guerriers squelettes ressuscités par le Chaudron, et le Roi Cornu lui-même qui est un parangon de l'horreur et de la nécromancie, la féérie est totalement partie en vacances, s'il faut en croire l'apparence des "fées" dans ce film, qui elles aussi sont plaquées dans le scénario sans signe avant-coureur.
Pareil pour la bande-son, elle est assez oubliable et jamais lumineuse, j'me souviens même pas d'un thème majeur ou héroïque.

À la limite quand on voit ça sur Raspoutine dans Anastasia ça passe, parce qu'on SAIT que les films de Don Bluth sont pas pour les mômes. Mais là, on est dans un Disney ! Disney c'est censé être pour les gosses !

Du coup, qu'est-ce qu'il reste dans Taram ? J'ai envie de dire un peu comme dans Atlantide : un postulat de départ et des ambitions mal placées, ici dans le temps et dans les moyens. Taram aurait sûrement pu être un bon film s'il avait été mieux écrit, si les personnages avaient été enrichis, et probablement si c'est pas Disney qui l'avait réalisé. L'intrigue gagnerait aussi à être plus simple.


En bref : le milieu des années 80 n'est pas une bonne période pour la fantasy au cinéma et elle commence seulement à se réveiller en littérature, après Tolkien. Ce film le démontre bien : quoiqu'ambitieux dans ses intentions et sa volonté d'adaptation, il échoue lamentablement à la fois à définir son public, à le toucher, et à raconter son histoire. Beaucoup d'éléments narratifs demeurent inexpliqués et s'il reste que le film est un bon divertissement, un morceau intéressant de dark-fantasy animée, il n'a clairement pas sa place dans la filmographie de Disney.

 C'est quand même dommage, parce que le générique de fin est magnifique, plein de dessins qui ressemblent à des gravures !

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