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13.10.17

Les femmes et les jeux vidéo.

Encore une fois inspiré par ce qu'en a dit mon ami Monsieur Geek, me voilà à écrire un texte d'opinion sur un mécanisme du monde vidéoludique. Comme je le dirai dans mon article sur la toxicité de la communauté vidéoludique (qui n'est pas encore publié, la grosse vague avant les vacances, tout ça, mais c'pas grave ^^), le sexisme et la perception des femmes dans le monde des jeux vidéo me semble un thème sur lequel basiquement n'importe quel-le joueureuse peut avoir une opinion personnelle (pour peu qu'ielle en est conscient-e).

C'est pour ça que je vais à mon tour évoquer ce sujet que je crois pas avoir approché jusque là, et je pense pouvoir apporter mon caillou à l'édifice grâce à mon profil personnel. En effet, je ne le cache pas, je suis asexuel.
Je vais peut-être faire un article à ce sujet à l'occasion mais ça fait des plombes que j'y songe et que j'me lance pas, on verra. Toujours est-il que, malgré les apparences, je suis quelqu'un d'assez froid et détaché, de raisonnable et modéré : à l'image de Lord Varys (Game of Thrones), je n'ai pas de désir, sexuel ou physique, je rationalise mes actes, mes choix, et je vois souvent mes semblables dire et faire n'importe quoi sous l'impulsion de leurs émotions et désirs soudains et changeants.

Bref : que pense l'asexuel froid et neutre que je suis de la position des femmes dans les jeux vidéo, leur processus économique et créatif ?


Alors déjà, le fait que je sois asexuel, c'est pas anodin, parce que ça s'ajoute au reste de ma personnalité - je rappelle qu'après avoir passé une quinzaine d'années (la deuxième, 2x15 ça fait 30 et on arrive pile à mon âge actuel) à en prendre plein la gueule, je suis progressivement devenu, entre autres qualificatifs, froidement logique et rationnel ainsi qu'introverti. Je vais m'en tenir à ces trois-là qui sont les plus pertinents dans le cas présent.
Un mec introverti, froidement logique et rationnel, donc, ça (enfin je dis ça mais c'est pas une généralité, on parle toujours de moi ^^) aime la narration et les univers avant tout, pour avoir une échappatoire à la réalité, pour s'évader dans l'imagination et la création artistique. C'est déjà ce que je disais à propos de pourquoi je suis un joueur solo. Ça ne se laisse cependant pas guider par les émotions, les pulsions instinctives, et ça place souvent ses préférences et ses choix sous le filtre de la raison.

Ajoutez à cela  l'asexualité et vous avez une conclusion évidente : les développeurs peuvent concevoir les personnages féminins les plus séduisants et les plus excitants de l'univers, ça me laisse toujours de marbre. Pardonnez mon expression, mais je ne fantasme pas sur les seins de Lara Croft, je ne bande pas sur le cul de Sonya Blade, j'ai jamais songé à faire un gang bang avec Bayonetta.

Non 'pis de toute façon, elle a des FLINGUES. Comment vous pouvez être séduits par une femme qui trimballe des objets destinés à abattre ? Un peu de logique, c'est une tueuse, merde !

Les personnages féminins sont, les développeurs ne s'en cachent pas, un moyen d'attirer le cœur de cible masculin (blanc, mais c'est pas important ici) hétérosexuel : les gens de chez Eidos ont souvent admis avoir conçu l'aventurière (en tant que diplômé en histoire je vais m'abstenir d'insulter mes confrères en la qualifiant d'archéologue, l'archéologie ça se pratique pas avec des flingues) londonienne afin que les joueurs aient envie de la protéger - ce qui crée un désir ambigu et pas très chaste à son égard, au passage. Souvenez-vous du célèbre (et fictif) code pour déshabiller Lara.
Parce que c'est bien connu, une femme, c'est fragile, il faut la protéger (non).

Même quand un personnage de jeu vidéo féminin est conçu sans être sexualisé, il demeure une damoiselle en détresse servant le sexisme ordinaire, le patriarcat, et la prétendue supériorité des Zoms, les vrais, avec un pénis et de gros muscles. Regardez les princesses Peach et Zelda par exemple.
Je mentirais en disant que là-dessus repose mon aversion pour les jeux Mario : en fait c'est juste que, si j'adore les jeux de plate-formes, je les préfère avec une narration un minimum travaillée et pas trop de difficulté, pour pouvoir apprécier le paysage - comme dans les magnifiques Trine et Trine 2.

Eh le golem ! Attrape mon féminisme DANS TA GUEULE !! \o/

En tout cas, pour ma part, j'ai toujours préféré les femmes virtuelles qui étaient de vrais personnages, les héroïnes qui, comme le dit Alice in Animation, agissent, réalisent des exploits et font des erreurs, au lieu d'être passives ou victimes.
C'est la raison, et là c'est vrai, pour laquelle j'adore le jeu Dark Chronicle (mon RPG préféré du monde, y compris devant Skyrim) : pensez donc, Monica est une princesse, certes, mais aussi une épéiste qui venge son père en voyageant dans le temps et qui, mieux que Maximilien, incarne la force de leur duo - sans toutefois négliger les tourments psychologiques de l'une et l'autre.


Dans le même ordre d'idées, j'ai eu à l'époque de la PS2 un certain nombre de jeux - que je n'ai jamais eu l'occasion de terminer pour les 2 premiers, certes - qui reposent sur des personnages féminins forts et indépendants : Kya Dark Lineage, un plate-former, Primal, un jeu d'action-aventure dans lequel l'héroïne peut prendre plusieurs formes en fonction du monde où elle se trouve (roche, eau, vent et feu), ou encore Final Fantasy X et X-2, qui mettent tous deux en avant des personnages féminins, avec une histoire, une personnalité, des convictions, des failles.
... et Dark Chronicle donc.

"Woooh, c'est trop mignon elle a des couettes !" ...ouais, et aussi 5 manières différentes de t'éviscérer, dont 4 sous formes non-humaine. Bisous.

L'avantage de ne pas considérer les personnages féminins de jeux vidéo comme des culs et des seins sur lesquels on aurait monté un tronc, des bras, des jambes et une tête, c'est qu'on peut s'intéresser à ce qu'ils racontent ou peuvent raconter.
Par exemple, c'est également dans mon (futur ^^) article sur la communauté vidéoludique, je ne considère pas que la série des Sims soit spécifiquement dédiée aux joueuses : il s'agit d'écrire une histoire, de faire évoluer des personnages dans une vie, avec une carrière, des économies à faire (bon, sauf si on cheate comme un porc à coups de Motherlode), dans un univers qui, au passage, admet à la fois l'égalité des genres, le consentement mutuel dans les rapports sexuels, et la parité salariale...

Parce que les jeux vidéo sont avant tout des jeux, avec un gameplay particulier à chaque titre, le fait qu'ils soient souvent incarnés par des femmes ne me dérange pas et me permet au contraire d'apprécier la jouabilité d'un Super Princess Peach (qui prend en compte le style vestimentaire et l'ombrelle de la blonde éponyme), ni d'incarner UNE barbare ou UNE elfe dans l'excellent hack'n slash Champions of Norrath (2004, PS2), ou même une chasseresse Bosmer dans, tant qu'on en parlait, Skyrim. Et puis il y a aussi Borderlands 2, dans lequel Gaige, mécanicienne hors-pair, est aussi sympa à incarner (elle est doublée par Caroline Pascal, ma 2ème VF préférée de tout l'univers ♥) qu'à jouer avec son robot et son pouvoir d'Anarchie.

Au passage, Caroline Pascal, qui double Gaige, a joué Démétra dans Kamelott, et double Tristana en VF dans League of Legends, ce qui contribue à faire de cette petite Yordle un de mes persos préférés du jeu. Caroline Pascal est aussi la VF officielle d'Olivia Wilde (Numéro 13 dans Dr House), pour vous donner une idée de sa voix.
Sinon, bah Gaige est trop cool, elle a une histoire dramatique mais beaucoup de personnalité et de sarcasme, et elle est géniale à jouer. De toute façon le sexe des personnages dans les Borderlands n'a aucune incidence sur leur gameplay, ce sont des protagonistes bien écrits, point.

Et ne négligeons pas également League of Legends, dans lequel la moitié de mes champions sont des championnes (10 sur 21), en particulier dans la classe de tir (mon rôle préféré), avec 8 tireuses (Tristana, Caitlyn, Sivir, Ashe, Miss Fortune, Jinx, Xayah, Vayne) pour 3 tireurs (Varus, Graves et Jhin).
Parce que oui, si je continue à jouer à LoL après des années et malgré la rivalité d'Overwatch, c'est également parce que j'adore le gameplay, et que je fiche éperdument que mes personnages aient des seins.

 Ohlala, ce personnage est une fille O_O
Ouais, et elle a aussi les bras visiblement musclés par le tir à l'arc. Elle tire super vite et, parce qu'à la base elle vient de Freljord, le pays du froid, et qu'elle manie l'arc d'Avarosa, elle peut congeler les ennemis sur place. Bref, elle est super à jouer quand on est ADC dans League of Legends. Pareil pour Jinx avec ses missiles, Tristana avec son canon, Caitlyn avec son snipe, ou Miss Fortune avec ses deux flingues de pirate et sa pluie de balles.
League of Legends, malgré une représentation souvent sexualisée des personnages féminins, est un de ces jeux où les femmes peuvent défoncer aussi sûrement que les mecs.


Alors après, évidemment, le fait d'être un joueur masculin, blanc et hétéro, même asexuel, ne m'a pas rendu aveugle au fait que j'étais un privilégié. Si je me présente sous mon vrai nom ou genre dans un jeu en ligne, y'a statistiquement bien moins (voire pas) de chances que je sois dragué lourdement, harcelé ou insulté (même dans des jeux ultra-compétitifs où je brille pas par ma compétence (mais par mon RP ^^) comme LoL).
Seulement voilà, le fait d'être asexuel, d'appartenir à une minorité sexuelle encore peu reconnue et représentée (ça, mes convictions personnelles, et accessoirement le fait d'être un être humain (je nierai avoir prononcé ces mots, je suis un chat)) m'a permis de développer un sentiment de solidarité et d'empathie pour les minorités quelles qu'elles soient.

Du coup c'est moins sceptique qu'outré et navré que j'ai découvert, lors de son irruption, le GamerGate, ce mouvement réactionnaire incarné par les joueurs mâles blancs hétéros, qui sont devenus minoritaires dans l'univers culturel des jeux vidéo dont ils étaient avant les principaux représentants.
C'est, par la suite, avec autant de curiosité que de colère que j'ai pris connaissance des débuts de Jade Raymond à la production chez Ubisoft, durant les débuts de la série Assassin's Creed. Curiosité pour ce que pourrait impliquer la présence d'une femme dans une position de pouvoir et de décision au sein de l'industrie vidéoludique, colère parce qu'elle était essentiellement résumée à son charme et son joli visage, sans mention de ses compétences.

Depuis 2015 elle fait partie des cadres dirigeants de Motive Studios, qui a développé cette merde de Mass Effect Andromeda, mais bon, au moins elle a posé les jalons pour beaucoup de créatrices actuelles du jeu vidéo.

Évidemment, mon sentiment de colère et mon mépris pour le cœur de cible des éditeurs de jeux vidéo, dans ce qu'il a de militant - ce qui exclut mon entourage vidéoludique internaute, puisque ces gars-là se contentent de jouer dans leur coin sans prendre part aux mouvements massifs - n'a fait que s'accroître avec le temps.
Comme une fièvre doit empirer avant de retomber, la réaction de défense des privilégiés devant la perte de leur statut incontesté jusque là se fait plus virulente alors que les minorités acquièrent davantage de visibilité et de parole. Une conceptrice de jeux vidéo a reçu une bonne appréciation pour son travail ? Elle a couché avec le journaliste. Une blogueuse et étudiante en jeux vidéo écrit un dossier certes violent et orienté, mais pas sans fondement ? C'est une féminazie mal baisée. Une universitaire, diplômée de communication et sociologie, réalise une série de vidéos sur l'image sexiste et controversée des femmes dans les jeux vidéo ? On va la menacer de mort jusque chez elle, terrifier ses parents, la harceler en ligne durant des semaines et par tous les moyens possibles.

 Alors que bon, Anita Sarkeesian est un peu l'une des personnes les plus intéressantes concernant la réflexion autour de la femme dans le jeu vidéo, son économie et sa conception.


Alors certes, la violence continue, il y a toujours régulièrement des "babes", jolies femmes employées uniquement pour attirer le public et mettre en valeur les stands, dans certaines conventions et salons du jeu vidéo, le sexisme ordinaire se poursuit, mais il est battu en brèche par la présence de plus en plus récurrente de personnages féminins non sexualisés - de vrais personnages, avec une écriture, des convictions et tout - et par le rôle accru des développeuses, game-designeuses, dessinatrices, scénaristes et productrices dans l'économie vidéoludique.

Le truc, c'est que l'égalité des droits et l'égalité de traitement des gens indépendamment de leur ethnie, origine, ou dans le cas présent de leur sexe ou genre, ça appartient au vaste champ de l'égalitarisme démocratique. Et comme nous l'a enseigné Inception, les idées sont des virus, elles se répandent et se développent.
Les joueuses ont décidé d'être traitées avec respect, elles assument cette position, et personne pourra plus leur enlever de la tête que c'est leur droit le plus strict. Le recul des droits fondamentaux est envisageable pour personne. Voilà bien une chose qui nous réjouit et autour de laquelle on peut tou-te-s se rassembler.

Tout en jouant à des jeux vidéo avec des personnages féminins badass, des héroïnes complexes, puissantes, intéressantes, attachantes, fragiles émotionnellement ou physiquement, qui font des erreurs, qui ont des préjugés, des qualités, des défauts bref, qui ressemblent à de vraies femmes.

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