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16.2.19

Le retour de la fresque culturelle la plus géniale.


Ralph 2.0.

Film américain des studios Disney réalisé par Phil Johnston et Rich Moore (2018).
Genre : aventure, humour.
Vu en VF.

Six ans ont passé depuis que Ralph La Casse a prouvé à Félix Fix-it qu'il pouvait être un gentil Méchant et que Vanellope von Schweetz a repris le contrôle sur son jeu, Sugar Rush. Les deux amis se voient quotidiennement après leur journée de travail comme personnages de jeux vidéo, mais la jeune fille s'ennuie : les courses sont trop faciles, les circuits de course sont prévisibles, et le quotidien avec Ralph est monotone.

Alors qu'elle exprime ses sentiments à son grand ami, monsieur Litwak, le propriétaire de la salle d'arcade, installe un routeur wifi, ouvrant la voie vers l'immensité de l'Internet.


Contrairement à ce baltringue de Steven Spielberg (c'est jamais inutile de rappeler que ça fait pratiquement 15 ans qu'il n'a pas fait de bon film), qui dans son Ready Player One surfait allègrement et stupidement sur des mécanismes de narration qu'il avait lui-même contribué à installer et populariser dans le cinéma hollywoodien (j'en ai même fait un article), le studio Disney prouve une nouvelle fois avec ce film qu'il est capable d'évoluer non seulement avec les évolutions sociétales, mais également avec les outils scénaristiques dont il est le premier utilisateur.
Clairement, ce film m'a laissé une impression de Dragons 3, et c'est là que va s'arrêter mon évocation de sa narration parce qu'une fois n'est pas coutume, IL N'Y AURA PAS DE SPOILER DANS CET ARTICLE, WOUHOUUUU \o/


Ralph 2.0, ou Ralph breaks the internet en VO (pour le coup je trouve pas que le titre original soit une bonne idée), est co-réalisé par Phil Johnston et Rich Moore, et comme je l'avais fait en parlant des EXCELLENTS Wreck-it Ralph et Zootopia, je vais me pencher sur ces messieurs.
Pourquoi ces Disney en particulier ? La vie est bien faite : ils ont coécrit le scénario de ces deux films et Moore les a également réalisés, le premier en solo, le second avec Byron Howard et Jared Bush. J'ai l'impression de refaire mon article sur Zootopia mais c'est extrêmement intéressant et génial de constater qu'une même équipe de personnes peut se retrouver plusieurs fois sur le même Disney pour conjuguer les talents.
Et le point commun entre Zootopia et les deux films sur Ralph La Casse, j'te le donne en mille, c'est qu'ils sont tous les trois centrés sur des problématiques sociétales contemporaines (outre qu'ils sont écrits avec du génie).

Les Mondes de Ralph, Zootopia : l'exclusion sociale, même combat.

Je l'ai dit en intro, à l'inverse d'un pignouf que je ne vais pas (re)nommer, Disney est capable d'évoluer. Iels l'avaient déjà prouvé à plusieurs reprises : Wreck-it Ralph, Frozen, Zootopia et Moana sont quatre films très modernes et progressistes dans leur écriture, pour des raisons variées. Personne n'a pu échapper, pas même moi (et c'est pas faute d'avoir essayé) à la séquence désormais culte du trailer de Ralph 2.0 où Vanellope rencontre l'ensemble des princesses Disney, qui était l'occasion de critiquer le concept ("est-ce que tout le monde pense que tes problèmes ont été réglés par l'intervention d'un homme fort ?").
Eh bien malgré son écriture particulière (il se déroule dans un espace-temps qu'on peut considérer comme étant le nôtre, contrairement à Zootopia, Moana et Frozen) qu'on trouve habituellement dans les Pixar, Ralph 2.0 poursuit l'œuvre de ses aînés initiée par La princesse et la grenouille (une princesse roturière et laborieuse) et Raiponce (une princesse qui s'ignore), mais surtout poursuivie par Les Mondes de Ralph (une princesse qui s'ignore ET qui est à la fois une paria sociale et une pilote de course - non parce que Vanellope est une princesse, en titre et en fait), Frozen (construit sur la dualité d'une princesse classique, Anna, et d'une princesse moderne et féministe, Elsa) et Moana (une princesse sans histoire d'amour et qui assume un gouvernement politique).

Que vous le vouliez ou non (et j'admets, j'ai pas aimé La princesse et la grenouille, j'me suis ennuyé), Tiana est la première princesse moderne : elle a un boulot, des ambitions de prolétaire (un restaurant en hommage à son père), et elle devient princesse un peu malgré elle.

Tiens d'ailleurs, cette énumération me rappelle qu'il n'y a pas eu de "princesse" entre 1998 (Mulan) et 2009 (La princesse et la grenouille). C'est ce talent et cette audace que j'adore chez Disney : après avoir passé une décennie sans utiliser un des fondements de leurs narrations, ils ne le réintroduisent que pour le démolir pièce par pièce. C'est d'ailleurs toujours le cas avec ce Wreck-it Ralph 2 qui exploite le statut princier de son héroïne, Vanellope, mais pour mieux décrédibiliser tout ce qui constitue cette posture.

Bref vous avez compris l'idée : Ralph 2.0 est MODERNE.
Et donc, il se déroule sur Internet. Comme Les mondes de Ralph, c'est une œuvre référentielle (et non pas un placement de produit, la différence est simple : un placement de produit c'est Disney qui met des contenus intellectuels Disney partout, une œuvre référentielle place des contenus appartenant à tout le monde, en payant les droits d'auteur associés, genre en mettant des éléments Nintendo, Sega, ou Konami dans son film. C'est un peu comme si on voyait Sonic, Bowser, Peach, Harmony ou Lara Croft et qu'on entendait parler de Mario dans un film Disney... WAIT !) qui contrairement à cette merde de Ready Player One, ne repose pas sur les références, puisqu'il écrit des personnages originaux par-dessus (Ralph, Vanellope, Félix et Calhoun).
Et comme une satire excellemment écrite de notre société, il utilise ce mélange de références et de persos originaux pour dépeindre le meilleur et le pire du sujet traité.


Je vais évidemment pas vous spoiler le film, d'autant que ce serait vous gâcher le jeu du "combien de références connues je vais reconnaître ?", mais Disney a parfaitement saisi l'essence d'Internet, réseau de communication qui se veut populaire mais est sous le contrôle strict de quelques uns (suivez mon regard), et a exprimé cette compréhension dans l'écriture et la mise en scène. On y parle du putaclic, à la fois du côté de la création (si on peut dire -_-) et du public, des commentaires parfois passionnés, souvent violents et irréfléchis, on y croise du spam, des célébrités artificielles et des mèmes et on dépeint la toute-puissance souvent arbitraire de quelques uns (je pense par exemple à une certaine entreprise connue pour son moteur de recherche, ou à une autre qui pratique le commerce en ligne).

Mais aussi, et surtout, Disney fait ici exactement ce qui a toujours fait la qualité des films Pixar : il donne à des personnages fictifs le relief et la profondeur d'êtres humains d'une grande richesse.
Les princesses Disney, déjà, dans une séquence (et dans un lieu précis d'Internet, car ne dit-on pas souvent qu'Internet est un lieu vaste et magique ?) tellement jouissive en matière de références, de name-dropping et d'ambiance qu'elle vaut à elle seule le reste du film (je vais pas vous le cacher, Disney qui rachète Marvel studios ou LucasArts, moi ça m'a jamais dérangé, au contraire). Souvent réduites à des icônes minimalistes, les jeunes femmes adoptent ici une posture moderne, réutilisant leur style personnel pour nourrir l'expérience du personnage de Vanellope (Mérida par exemple est à hurler de rire, et pour les besoins du gag, je vais pas préciser ^^), puis pour intervenir sur l'évolution des deux personnages (parce que oui, le film est centré sur Ralph et Vanellope, vous pouvez oublier Calhoun et Félix).


Ralph et Vanellope, de leur côté, bénéficient du même traitement et de la même évolution vers la maturité, avec un petit quelque chose très intéressant qu'on ne voit jamais chez Disney, artisan des happy ends satisfaisantes, qui donne à penser que le diptyque Ralph (le film précédent a quand même déjà 6 ans !) a évolué avec son public, à la manière d'un Toy Story de l'ère numérique.
De ce film, on sort réjoui-e, mais surtout impressionné : c'est TRÈS bien écrit, c'est très beau, et c'est très drôle. Ralph 2.0 est une de ces œuvres qui brillent par leur constance : j'ai du mal à me rappeler d'une séquence en particulier qui ait été plus drôle que les autres, parce que c'est amusant de bout en bout. On se permettrait même une réflexion sur la parentalité, si les propos n'avaient pas été avalés par le brouahaha d'une bande de pilotes déchaînés ^^

À la musique, comme pour le premier film, on retrouve Henry Jackman, un de mes chouchous de la composition, bien que, suite oblige, il n'ait pas l'air d'avoir fait beaucoup d'efforts : on retrouve certains thèmes déjà joués dans Les mondes de Ralph (notamment un de mes préférés sobrement intitulé Wreck-it Ralph) et les nouveaux morceaux ne sont pas spécialement marquants, mais à la limite ça évite de trop se déconcentrer sur une écriture qui est avant tout visuelle et narrative.



En bref : Ralph 2.0 est un digne successeur à la fois des Mondes de Ralph, par son côté référentiel et moderne, mais aussi de Moana et Zootopia, qui sont devenus de nouveaux mètres-étalons en termes d'écriture géniale et de portée sociétale chez Disney. Le film est résolument actuel tout en restant assez intemporel, il est souvent à mourir de rire en demeurant riche en émotions, et à l'instar du public varié auquel le premier était destiné, il offre plein de compréhensions adaptées à qui le regarde. Une référence que je recommande sans hésiter !

2 commentaires:

  1. Ouah tu donnes grave envie d'aller le voir !

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    1. Héhéhé, mais c'est le but, quand je vois une œuvre qui me paraît digne d'intérêt, si je choisis de l'articler c'est avec l'espoir qu'elle va avoir le succès qu'elle mérite ^^

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