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11.3.19

♪ I'm just a girl, yes I'm some kind of freak ♫


Captain Marvel.

Film américain d'Anna Boden et Ryan Fleck (2019) avec Brie Larson, Samuel L. Jackson, Ben Mendelsohn, Lashana Lynch, Jude Law, Annette Bening.
Genre : super-héros, science-fiction.
Vu en VOST.

Hala, planète-capitale de la Fédération Kree, 1995. Vers est une jeune femme combative dotée d'un pouvoir puissant : elle peut générer de l'énergie à travers ses mains pour déclencher de terribles détonations. Vers est également hantée par des visions de violence durant son sommeil, qu'elle fuit en s'entraînant sans cesse au combat.

Lors d'une mission de son escouade contre les Skrulls, ennemis jurés des Kree, Vers est capturée juste au-dessus d'un système secondaire, C-53, la planète des Terranians...


Captain Marvel est un peu la réplique de Marvel à DC, qui avait inscrit au palmarès de la rivalité dans leurs univers cinématographiques respectifs (rivalité inutile d'ailleurs, on peut être fan des deux comme c'est mon cas) d'avoir, avant le studio des Vengeurs, réalité un film centré sur une super-héroïne qui était également une figure féministe et un modèle pour la représentation des femmes. Réplique qui vient d'ailleurs enfoncer un clou déjà bien planté dans la mesure où le petit coup de taquet précédent s'appelait Black Panther, un film centré sur la représentation des personnes racisées au cinéma, notamment féminines (et un hallelujah pour la trinité Okoye-Shuri-Nakia ♥), avec une demi-douzaines d'enjeux de société traités par ailleurs.
Bref, pour le dire très simplement et comme je pense l'avoir bien résumé en un tweet dès la fin du film :

Mais Captain Marvel ça n'est pas uniquement ça, bien heureusement. Ce film est une œuvre générationnelle à l'image de Wonder Woman, une merveille que tout le monde doit voir.

L'un des trucs que j'ai adorés et qui rend le film pour ainsi dire incontournable dans le MCU - outre sa représentation héroïque et inspirante des femmes, et pas que celle en rôle-titre - est qu'il propose de nombreuses explications à des tas d'éléments narratifs du MCU qui avaient été instaurés sans véritable explication.
Dans Captain America : First Avenger, Crâne Rouge s'empare de ce qu'il appelle le Cube Cosmique pour utiliser son énergie afin de produire des armes terriblement puissantes. Quelques péripéties plus tard, on perd la trace du redoutable artefact et dans Avengers, premier du nom, on découvre que le SHIELD travaille à exploiter l'énergie d'un cube appelé Tesseract : on n'a jamais su pourquoi le nom de l'objet avait changé. Captain Marvel répond à cette question.
Dans Les Gardiens de la Galaxie, on découvre la Fédération Kree, qui est décrite comme ayant renoncé à une longue tradition de violence pour signer un traité de paix avec la planète Xandar, ce qui déplaît à Ronan l'Accusateur, qui deviendra peu après un terroriste génocidaire d'ampleur galactique : Captain Marvel explique ce paysage politique spatial (ainsi que la nature du personnage de Ronan ou la présence à ses côtés de Korath, joué par Djimon Hounsou ♥).


Fait utile à savoir, Captain Marvel, rompant avec la continuité chronologique proposée jusque là par le MCU, se déroule bien avant tout autre film de cet univers à l'exception évidente de Captain America : First Avenger (1942-45). On est dans ce film en 1995, et je pense que le choix de ce cadre temporel vise à donner de la grandeur au personnage principal : il est nécessaire, lors du retour à 2019 dans Avengers : Endgame, de montrer que ça fait un moment que Captain Marvel est dans le game.

En outre, ce nouveau film crée évidemment un nouveau personnage, à la manière de Doctor Strange, Black Panther (T'Challa était déjà dans Civil War mais c'est dans son long-métrage solo qu'il est vraiment introduit et caractérisé) et Spider-Man Homecoming (même chose), principalement pour réparer les conneries narratives de cette merde d'Infinity War, du point de vue des scénaristes s'entend.
Oui parce que certes, dans la diégèse (l'univers du film), éliminer instantanément 50% de l'univers d'un claquement de doigts c'est dramatique mais considérons l'autre côté de l'événement. Les personnages sont un outil à double-tranchant dans l'écriture de fiction, s'ils sont nombreux et importants (et surtout nombreux à être importants) ils deviennent essentiels à la narration qui reposent sur eux. En supprimer beaucoup d'un coup crée donc un énorme appel d'air qu'il faut idéalement combler pour ne pas se retrouver avec un gouffre narratif (l'autre solution consiste à réduire les intrigues sans remplacer les défunts, quitte à radicaliser un personnage, Oussama Ben Cersei en étant l'exemple typique).

Bref : il incombe à Carol Danvers, incarnation de Captain Marvel, de remplacer les personnages éliminés par cet abruti de Thanos (comme beaucoup de gens, je soutiens la thèse selon lequel sa solution à la surpopulation universelle était à chier, quand t'as le pouvoir absolu, tu trouves des solutions absolues).
Du coup, il fallait forcément donner de l'ampleur à ce personnage et accessoirement - toujours en considérant l'autre côté de la fiction, celui où on l'écrit - répondre à DC qui avec sa Wonder Woman avait été le premier à représenter une super-héroïne puissante et émancipatrice.


Cet objectif, sans vous spoiler, est réussi sans trop de difficulté, toujours grâce à l'objectif de Disney/Marvel qui est de s'adresser au plus grand nombre en écrivant des histoires originales. Je vous cacherai pas que s'il y a bien deux choses que je déteste concernant les adaptions libres tirées de comics, ce sont d'une part les abrutis qui veulent à tout prix trouver des équivalences (notamment en disant après Guardians of the Galaxy vol.2 que le personnage d'Adam Warlock sera ultra puissant alors qu'on en sait rien, il existe même pas encore) et d'autres part les articles pros ou semi-pros qui encouragent cette pensée en allant chercher, à chaque sortie de film, les références comics associées. Dernier cas en date : "qui est Carol Danvers, la nouvelle héroïne de Marvel ?"
Spoiler : pour le savoir faut regarder le film, pas lire les comics. Ça fait des années que j'le dis : les films du MCU reprennent des personnages et un univers mais écrivent des histoires totalement neuves dessus et n'ont donc absolument aucune injonction à adapter "correctement" ce que les comics ont déjà raconté.

D'ailleurs en parlant d'écriture originale, celle des Skrulls est géniale.

Toujours est-il donc que le personnage de Carol Danvers m'a semblé dans le film tout à fait cohérent et pas très différent dans son parcours narratif d'un Peter Quill/Star-Lord. Captain Marvel, je l'ai dit, se déroule avant les autres et propose des explications à des faits qui en avaient parfois besoin, utilisant de fait les outils narratifs existants à la fois pour soutenir le MCU et construire son propre propos. Tenez, par exemple : pourquoi les Vengeurs s'appellent les Vengeurs ?
C'est vrai, de la manière dont le projet Initiative est présenté dans Avengers, l'équipe de super-héros est censée protéger la Terre quand le SHIELD en est incapable, ils auraient donc pu s'appeler les Protecteurs, ou les Défenseurs, ou les Gardiens (ces deux derniers titres étant repris d'une part par Daredevil/Jessica Jones/Luke Cage et Iron Fist, d'autre part par les Gardiens de la Galaxie). Non, s'ils s'appellent les Vengeurs, c'est parce qu'Avenger est le nom de code du capitaine Carol Danvers, inscrit sur son avion de chasse, ce qui fait d'elle la première Vengeresse, bien avant Captain America qui était dans la glace, ou les autres qui n'étaient même pas connus du SHIELD.


En fait, le film parvient à faire ce que beaucoup d'autres films ont foiré lamentablement : reproduire une époque passée sans se charger de la lourdeur nostalgique qui va avec (Ready Player One en étant un bon exemple, tout comme la galaxie de films se déroulant dans les années 1980 ou en étant inspirés).
Captain Marvel est focalisé sur le parcours du personnage principal, en duo avec Nick Fury (raison pour laquelle, dans Infinity War, il est le seul à être en lien avec elle), et les rares références à l'époque ne sont là que pour le décorum. Le film va plutôt chercher son esthétique du côté des Gardiens, conformément à l'utilisation des Kree et dans la vague de la nouvelle SF cinématographique du milieu des années 2000 (Star Trek et Guardians of the Galaxy pour ne citer qu'eux). Les autres personnages sont d'ailleurs servis par un casting vraiment superbe, tant dans les noms que dans l'interprétation. Je suis toujours aussi dingue de Ben Mendelsohn (Star Wars Rogue One, Ready Player One), j'ai découvert avec beaucoup de plaisir Lashana Lynch, Gemma Chan et la jeune Akira Akbar, tout en retrouvant certains de mes chouchous comme bien sûr Samuel L. Jackson, mais aussi Djimon Hounsou.


Le film se laisse donc savourer avec d'autant plus de plaisir qu'il est une ode à l'empowerment - je viens de chercher et non, le français de France ne propose pas de traduction acceptable pour ce terme, bien que le Québec utilise "responsabilisation" que je n'apprécie pas (je préfère l'idée d'autonomie et d'émancipation à celle de responsabilité).
À plusieurs reprises, les scénaristes se font une joie d'écrire des scènes et des répliques inspirantes pour le public, mettant en valeur l'individualité, le courage, l'indépendance des femmes et l'humanité (au sens biologique, on parle ici sans détour de l'espèce humaine). Il y a même à un moment une saillie viriliste et ridicule au possible, que le scénario rejette avec beaucoup de légèreté et d'humour, comme on pouvait s'y attendre.


En plus de cette narration à la fois appréciable et cohérente, et qui sert des enjeux de société nécessaires, le film est également très agréable à écouter. Certes, dans le feu de l'action, on ne prête pas beaucoup d'attention aux thèmes musicaux orchestraux (c'est dommage), mais à l'image d'autres films qui utilisent (encore une fois, souvent de manière navrante) une bande-son d'époque pour accompagner leur propos, Captain Marvel est notamment servi dans une très belle séquence par la très judicieusement choisie Just a girl de No Doubt, sortie en 1995. Un des meilleurs moments du film ^^

En bref : Captain Marvel est le Wonder Woman de Marvel, sans les petits défauts qui maintenaient celui-ci dans la domination des hommes (comme une histoire d'amour ou un rapport sexuel inutiles). Il est drôle, bien écrit, parfaitement cohérent dans le Marvel Cinematic Universe et surtout, son rôle dans la représentation des minorités est aussi important que celui de Black Panther. Clairement un film accessible à tout le monde, à voir que vous soyez ou non fan du MCU.

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